L'émissaire américain n'a pu satisfaire ni ses interlocuteurs arabes ni même israéliens. L'échec de l'émissaire américain était prévisible dans la mesure où les Etats-Unis sont demeurés dans un constant profil bas dans l'affaire du Proche-Orient, répugnant autant à s'engager sérieusement dans un dossier qui empoisonne, depuis plus d'un demi-siècle, la région, qu'à prendre enfin leurs responsabilités envers des Israéliens qui n'ont rien fait depuis deux ans pour améliorer leurs relations avec les Palestiniens. Aussi, venant les mains vides avec un maigre «plan» ne répondant pas à de vrais critères de paix pour être acceptables, notamment par les Palestiniens. Il n'y avait donc rien d'étonnant à ce que M.Burns retourne à Washington sans réussir à percer dans cette recherche pour l'amélioration de la situation dans la région. Pouvait-il en être autrement lorsque le conflit israélo-palestinien, et plus largement le dossier israélo-arabe, est pris en charge sous l'unique prisme de la vision de la sécurité d'Israël, évacuant le fond du problème qui demeure le retrait (total) d'Israël des territoires palestiniens occupés en 1967. Aussi, toute approche qui ne tiendrait pas compte de ce paramètre a peu de chances d'aboutir. En outre, en dédaignant ostensiblement le président palestinien, l'émissaire américain enlevait tout crédit à sa mission en ignorant l'un des principaux acteurs du contentieux proche-oriental, le président Yasser Arafat. Américains et Israéliens, qui ont décidé d'éliminer le président de l'Autorité autonome palestinienne du processus de discussions sur le volet palestinien, affirment, néanmoins, vouloir travailler à instaurer la paix. Comment, avec quels interlocuteurs palestiniens? C'est en fait l'un des paradoxes de la question proche-orientale, pour ne point dire une quadrature du cercle, si l'on tient que toute solution doit, outre d'avoir l'aval de ceux qui se battent, être acceptée par la direction palestinienne, qui, - jusqu'à son changement, ou son remplacement -, reste la seule Autorité habilitée à parler au nom du peuple palestinien. Et cette Autorité est bien l'Autorité autonome dirigée par Yasser Arafat. Essayer de trouver des interlocuteurs de rechange en dehors des élus palestiniens, - à défaut de ceux qui se battent sur le terrain, les uns et les autres représentatifs de l'opinion des territoires occupés -, comme l'a fait le secrétaire adjoint américain en charge du Proche-Orient, William Burns, lors de sa tournée de dix jours dans la région est, en fait, un moyen, détourné certes, pour les Etats-Unis, de gagner du temps dans le volet palestinien et plus singulièrement de gagner des soutiens arabes au projet américain de frappes militaires contre l'Irak. De fait, l'émissaire américain n'a convaincu aucun de ses interlocuteurs arabes qui ne se sont pas fait faute de faire ressortir les lacunes et faiblesses du «plan» américain, devant, selon ses promoteurs, ouvrir sur la paix dans la région. Mais peut-on valablement faire la paix lorsque l'on ne prend en compte que l'un des aspects de la problématique, la sécurité de l'Etat hébreu, qui semble le seul paramètre sur lequel travaillent Israéliens et Américains, ignorant par là, que le retrait israélien des territoires palestiniens conditionne la sécurité d'Israël et la responsabilité entière du gouvernement israélien, dans la recrudescence de la violence et, singulièrement, dans l'arrêt du processus de paix, freiné d'abord par Netanyahu et Barak, avant d'être tout simplement enterré par Sharon. M.Burns, qui a rencontré le chef du gouvernement israélien, vendredi, a eu également des entretiens avec des personnalités palestiniennes, notamment Mustapha Barghouti, responsable de la Ligue palestinienne des droits de l'Homme, et la députée Hanane Achraoui. Commentant la rencontre, Mme Achraoui, qui a déclaré avoir évoqué avec M.Burns la «feuille de route» (basée sur le plan du quartette, - USA, Russie, UE et ONU -, pour le Proche-Orient), a estimé que «ce document a besoin d'être travaillé. Il a besoin de garanties» soulignant qu'il devrait notamment «contraindre Israël à respecter ses engagements, dont son retrait des régions palestiniennes» indiquant, en outre, «Burns veut nous assurer que la Maison-Blanche est sérieuse (dans son règlement du conflit), mais nous lui avons expliqué que nous avons besoin de voir cela sur le terrain». Plus direct, l'ancien ministre palestinien du Travail, Ghassan El-Khatib, a expliqué à la presse que ce plan (américain) «n'avait aucun avenir. Israël ne l'appliquera pas et les Etats-Unis ne sont pas prêts à faire pression pour le faire avancer», affirmant par ailleurs que les Palestiniens «n'acceptaient pas les conditions posées à propos des réformes, des élections législatives et sur la nomination d'un Premier ministre» (conditions exigées par Washington pour, selon les analystes américains, réduire le rôle et les prérogatives du président Arafat). Sur le terrain, l'armée d'occupation israélienne poursuivant ses exactions a réinvesti, vendredi, la ville de Jénine. Elle a entrepris une vaste action de ratissage et de représailles contre la population palestinienne soumise depuis plusieurs mois au couvre-feu de même qu'à des brimades et vexations continues.