L'émissaire américain George Mitchell a repris son ballon de pèlerin au Proche-Orient. Il a rencontré, vendredi, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Mais il n'a pu que constater l'absence de la moindre avancée depuis que, le 9 mars dernier, l'annonce de la construction de 1 600 logements à Jérusalem-Est par Israël a tué dans l'œuf le projet de “discussions indirectes” et a jeté un froid sur les relations entre Washington et Tel-Aviv. Après avoir clairement dit non à la requête américaine de gel des constructions à Jérusalem-Est, après avoir durci les conditions de résidence en Cisjordanie faisant courir le risque d'expulsion vers Gaza à des milliers de Palestiniens, le gouvernement israélien propose une nouvelle ineptie politique, sous forme d'un Etat palestinien avec des “frontières provisoires”. L'Autorité palestinienne ne veut pas entendre parler d'un Etat avec des frontières provisoires pas plus qu'elle n'accepte de reprendre les négociations sans le gel préalable de la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. L'émissaire américain fait part à ses interlocuteurs du caractère urgent que revêt pour les Etats-Unis la mise en œuvre d'une solution. Il a prévenu que le président Obama souhaite qu'un règlement se concrétise “bientôt”. Ce règlement doit, intervenir rapidement, “pas dans un futur lointain”, a-t-il insisté, tout en réaffirmant l'engagement américain en faveur d'un “Etat palestinien viable et indépendant, doté d'un territoire continu où le peuple palestinien pourra exercer son droit à l'autodétermination”. “Les propos de George Mitchell signifient au moins deux choses. Ils indiquent, en quelque sorte, l'inefficacité de ses navettes diplomatiques entamées depuis un an et confirment la rumeur selon laquelle Washington pourrait, le cas échéant, faire un passage en force en imposant son propre plan de règlement du conflit. Plus que quiconque Mahmoud Abbas est conscient de la situation. Il sait, entre autres, que plus le conflit dure, plus la mise en œuvre d'une solution sera difficile, Israël s'évertuant à en compliquer les données. Il sait qu'il ne peut pas attendre grand-chose de pays arabes en butte à leurs difficultés internes et tiraillés par une lutte sourde de leadership, dont le sens échappe à la raison tant leur marge de manœuvre se réduit en peau de chagrin et le poids de leur diplomatie voisin de zéro. Il sait que, face à l'attitude agressive d'Israël, la communauté internationale continuera à se répandre en compassions inutiles et en soupirs d'impuissance. Pour lui, il n'y a pas d'inconnue dans l'équation. Il sait que la solution, si solution il y a, ne peut venir que de l'Amérique de Barack Obama. Aussi a-t-il franchi un pas décisif dans cette direction. Au moment même où George Mitchell était dans la région, le président de l'Autorité palestinienne lançait devant les membres du Fatah : “Messieurs le président et membres de l'administration américaine, puisque vous croyez (en un Etat palestinien), il est de votre devoir de prendre des mesures pour parvenir à une solution et d'imposer cette solution.” Il est incontestable que le leader palestinien a tiré un avantage tactique du refus israélien de geler les constructions à Jérusalem-Est et des tensions qui s'en sont suivies dans les relations israélo-américaine. Il veut pousser cet avantage en encourageant une solution américaine unilatérale, que la presse new-yorkaise a déjà évoquée et qui provoque une vive inquiétude à Tel-Aviv. La démarche du président de l'Autorité palestinienne est subtile. Encore que, l'absence des Arabes et le silence gêné de la communauté internationale, après l'échec avéré des navettes diplomatiques de l'émissaire américain, ne lui laissent pas beaucoup d'autres choix.