Le syndrome tunisien semble faire tache d'huile en Egypte où des milliers de manifestants sont sortis, hier, au Caire et dans plusieurs villes réclamant des réformes sociales et politiques. Des manifestants lançant des slogans hostiles au pouvoir ont déferlé hier dans les rues d'Egypte à l'initiative de mouvements d'opposition s'inspirant de la révolte tunisienne, face à un déploiement policier massif. Dans le centre du Caire, des centaines de manifestants rassemblés aux abords de la Cour suprême ont réussi à forcer un barrage de police et à se répandre dans les rues alentour, scandant «la Tunisie est la solution». Très remontés, les manifestants s'en prenaient également au raïs aux cris «A bas Moubarak!», en référence au président égyptien, âgé de 82 ans à la tête de l‘Etat depuis 29 ans, réclamant par ailleurs, des réformes sociales et politiques. Le pouvoir a mobilisé pour l'occasion quelque 20.000 à 30.000 policiers qui ont ceinturé la capitale de même que les villes où il y a les manifestants, telle El Ismaïliya. La police a ainsi utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau pour tenter de disperser plusieurs milliers de personnes, en grande partie des jeunes, rassemblées sur la grande place Tahrir et ses environs, à proximité du Parlement et de nombreux ministère. Les forces de l'ordre étaient omniprésentes dans plusieurs grands carrefours de la mégalopole égyptienne, les manifestants ayant prévu de se rassembler en plusieurs endroits. L'université du Caire, centre de bouillonnement de la jeunesse égyptienne, était elle aussi sous haute surveillance des forces antiémeute. Les intentions des manifestants étaient claires, qui scandaient «Après Ben Ali, à qui le tour?», en référence au président tunisien chassé mi-janvier par une révolte populaire après 23 ans de pouvoir. Dans le nord de la péninsule du Sinaï, des centaines de personnes ont coupé une route entre El Arich (Egypte) et Rafah (Ghaza) en mettant le feu à des pneus, selon des témoins. Le ministre de l'Intérieur, Habib al-Adli, a déclaré au journal gouvernemental Al-Ahram que les organisateurs des manifestations étaient «inconscients» et a assuré que leurs appels n'auraient «pas d'impact». «Les forces de l'ordre sont capables de faire face à toute menace contre la sécurité de la population, et nous ne prendrons à la légère aucune atteinte aux biens ni aucune infraction à la loi», a-t-il ajouté. Ce qui était surtout remarquable hier en Egypte était le déploiement massif des forces de sécurité dans les principales villes du pays. Plusieurs mouvements militant pour la démocratie ont appelé la population, au Caire et en province, à manifester pour faire de mardi (hier) une «journée de révolte contre la torture, la pauvreté, la corruption et le chômage». Cette journée coïncidait en effet avec la «Journée de la police», un jour férié. L'initiative d'organiser des manifestations de protestation à travers l'Egypte, s'adressant en particulier aux jeunes, a notamment reçu le soutien de l'opposant Mohamed El Baradei, ancien responsable de l'Agence internationale de l'énergie atomique (Aiea). Plus de 90.000 personnes se sont déclarées sur Facebook prêtes à manifester. Les manifestations ont reçu l'appui d'autres formations politiques, qui n'ont toutefois, pas lancé d'appels formels à descendre dans la rue. Les Frères musulmans, à la forte capacité de mobilisation, et le Wafd, premier parti d'opposition laïque, ont indiqué que leurs jeunes militants pourraient se joindre aux cortèges. Plus de 40% de la population égyptienne (l'Egypte compte plus de 80 millions d'habitants) vit en dessous d'un seuil de pauvreté de deux dollars par jour et par personne. Plusieurs immolations par le feu ont eu lieu ces derniers jours en Egypte, rappelant celle d'un jeune vendeur ambulant tunisien mi-décembre, qui avait déclenché la révolte en Tunisie. Le pouvoir de son côté, a multiplié ces derniers jours, les déclarations assurant que l'Egypte ne présentait pas de risque de contagion à la tunisienne. Les autorités ont toutefois, laissé entendre qu'elles prenaient des dispositions pour éviter toute hausse des prix ou pénurie des produits de base, afin de ne pas aggraver le climat social.