Ali Brahimi est député de la wilaya de Bouira. Il est parmi ceux qui ont demandé la levée de l'état d'urgence depuis plusieurs années. Ce mardi 1er février 2011, il a chapeauté une initiative, introduisant une demande signée par 21 députés de la levée des mesures prévues par le décret législatif de 1993 au bureau de l'APN. Moins de 72 heures après cette proposition, le Président Bouteflika décide, en Conseil des ministres, de la levée de cette mesure en vigueur depuis 19 ans. M.Brahimi réagit à la décision présidentielle. L'Expression: Le chef de l'Etat vient de décider de la levée prochaine de l'état d'urgence. Comment avez-vous accueilli cette décision et quel commentaire faites-vous? Ali Brahimi: La levée de l'état d'urgence est une première fissure dans la digue opposée aux libertés par le pouvoir. Elle est venue sous la pression de la mobilisation citoyenne grandissante et par contrecoup des révolutions tunisienne et égyptienne. Pour autant, rien n'est encore gagné. Le Président a chargé le gouvernement de trouver d'autres substituts à l'état d'urgence pour l'aspect lutte antiterroriste, mais il n'a pas dit s'il comptait laisser le Parlement lever lui-même l'état d'urgence. Pouvez-vous être plus explicite? L'état d'urgence est un état de fait anticonstitutionnel et illégal et ce n'est pas de la polémique, depuis au moins, le mois de février 1994. A moins d'admettre et d'assumer son caractère anticonstitutionnel, le décret législatif de 1993 qui a prorogé l'état d'urgence ne l'a fait que pour une année. L'abrogation de ce décret législatif doit échoir au Parlement conformément à l'article 122-1 de la Constitution qui charge l'institution législative de la protection des libertés individuelles et collectives. Mais que va-t-il concrètement changer avec la levée de l'état d'urgence? La levée de l'état d'urgence est un premier pas vers un véritable changement. Sa disparition est un premier niveau de garantie à l'exercice par les citoyens de leurs droits civils et politiques. Pour autant, cela ne suffit pas, il faut abroger l'article 87 bis du Code pénal qui porte gravement atteinte à la liberté de s'exprimer, de manifester et de faire grève. Au plan politique, la levée de l'état d'urgence serait vide de sens si le droit des Algériens à s'organiser librement en associations, syndicats et partis politiques n'est pas inconditionnellement rétabli. L'Algérie a besoin de redonner crédibilité à ses institutions et confiance à ses citoyens. Cela passe par la mise en place d'un processus de transition véritable qui préserve le pays d'un multipartisme de façade et de fraudes électorales. La peres-troïka devra bien atteindre les partis de l'opposition, notamment démocratiques.