Au lieu de prendre le soin d'étudier minutieusement ses décisions, le gouvernement a tendance à agir dans la précipitation et au coup par coup. Le gouvernement avance à reculons. L'équipe Ouyahia oscille entre interdiction et autorisation. Rien ne semble irréversible pour lui. Il décide puis annule au bout de quelques mois. Les exemples de ce pas de deux se sont multipliés ces derniers temps en prolongeant la liste des décisions renvoyées aux calendes grecques. Médicaments, marché informel, chéquiers, facturations sont autant de dossiers sur lesquels le gouvernement a fait marche arrière. La dernière loi en date, qui apparaissait à tout le moins logique, l'obligation du chèque à partir d'une certaine somme, qui devait entrer en vigueur le 1er avril, a été reportée. Ce report a été pris lors du Conseil des ministres tenu jeudi dernier. Un répit est accordé aux opérateurs économiques ainsi exonérés de l'utilisation du chèque. Le paiement par chèque de toute somme supérieure à 50 millions de centimes n'est plus obligatoire. Alors qu'il voulait encourager l'utilisation du chèque, le gouvernement temporise ou est contraint de temporiser. Pourtant, le problème de liquidités se pose avec acuité. Le Premier ministre lui-même avait reconnu récemment que la pénurie des billets de banque persistera tant que l'utilisation du chèque comme mode de paiement n'est pas privilégiée et répandue. Le report de l'obligation de paiement va encore accentuer le problème de pénurie des billets de banque. Il faut admettre que ce n'est pas la première fois que le gouvernement ne va pas au bout de ses initiatives. En 2005, une décision portant sur l'obligation de paiement par chèque à partir de 500.000 dinars a ainsi été annulée. Devant la lourdeur du système bancaire et le manque des mécanismes appropriés au niveau des succursales, toutes les tentatives ont été vouées à l'échec. Pour manque de maturation du projet, le chef de l'Etat a chargé l'Exécutif d'approfondir la concertation, l'explication et la communication sur les avantages pour l'économie qui découleront du recours au paiement par chèque pour les montants égaux ou supérieurs à 500.000 DA, ainsi que de la généralisation de la facturation pour toutes les transactions commerciales. «L'application des dispositifs afférents à ces deux mesures sera donc différée jusqu'à la réunion des conditions requises», indiquait le communiqué du Conseil des ministres. Même scénario pour les médicaments. Le gouvernement joue «la volte-face». Tantôt il interdit, tantôt il autorise l'importation des médicaments pour couvrir les insuffisances du marché national. La liste des médicaments concernés par cette indécision se prolonge et/ou se réduit selon la tension du marché. Le ministre de la Santé, qui a été intransigeant sur ce point, a lâché du lest récemment en autorisant le recours à l'importation. Cette option est devenue un réflexe pavlovien chez l'Exécutif. Le défi de réduire le recours à l'importation est à chaque fois remis en cause. Confrontée à de multiples pénuries, l'équipe Ouyahia n'hésite pas à mettre la main à la poche pour achalander le marché. Avec la flambée des prix du sucre et de l'huile, le portail de l'importation a été élargi au maximum. Des réductions et des exonérations de la TVA ont été prises pour encourager les importateurs à inonder le marché en produits de consommation. Ce n'est pas le seul revirement. La chasse aux vendeurs à la sauvette a été arrêtée. L'opération d'assainissement des marchés informels, entamée il y a à peine deux mois, n'a pas duré longtemps et stoppée sine die. Après les dernières émeutes qu'a connus le pays, le gouvernement a autorisé les jeunes chômeurs à reprendre leur activité. Les vendeurs à la sauvette reviennent en force et accentuent l'anarchie. La gestion provisoire des dossiers démontre que le gouvernement peine à maîtriser des créneaux pourtant essentiels à la santé économique et financière du pays. La maturité des décisions pose un sérieux problème. Au lieu de prendre le soin d'étudier minutieusement ses décisions, le gouvernement a tendance à agir dans la précipitation et au coup par coup. Sinon, comment expliquer le revirement opéré à chaque fois sur des décisions déjà décrétées?