Etudiants, communaux, paramédicaux, enseignants, chômeurs, militants politiques... bouillonnent. Entre mouvements de protestation, grèves des corporations, squats de logements, émeutes, rassemblements, sit-in, immolations spectaculaires par le feu...jamais le front social n'a autant grogné qu'en ce début de l'année 2011. Tout le monde s'exprime ou tente de le faire comme il peut. Etudiants, communaux, paramédicaux, enseignants, chômeurs et militants politiques, toutes les franges de la société se sont mises de la partie pour faire valoir des revendications socioprofessionnelles et politiques longtemps contenus, et exprimer un malaise social tant «assumé». Pour expliquer cette situation, l'avocat Hocine Zehouane a estimé, dans une interview accordée à L'Expression, il y a quelques jours, que «l'Algérie est dans un processus émeutier et une dynamique émeutière depuis 30 ans et que ces évènements s'inscrivent dans une continuité fondée sur le fait que la société est bloquée». Mais les évènements se sont accélérés d'une manière fulgurante et ce, depuis les émeutes du mois de janvier dernier, divisant observateurs et analystes son ce «déluge» de manifestations. Selon toujours Me Zehouane, les dernières émeutes de janvier 2011 n'ont rien d'extraordinaire. «Les dernières émeutes ne sont pas un événement nouveau. (...). elles se caractérisent par le fait que cette fois elles sont d'une ampleur un peu cantonnée. On peut les déclarer comme un chaînon dans une série qui se développe depuis longtemps», a-t-il ajouté dans la même interview. Ces trois derniers jours, plusieurs émeutes et mouvements de protestation ont éclaté à travers de nombreuses wilayas du pays. On peut citer Alger, Tizi Ouzou, Boumerdès, Oran, Annaba, Sidi Bel Abbès, Aïn Defla, «Si les pouvoirs publics n'interviennent pas pour satisfaire, en urgence, toutes les revendications légitimes des populations, il faut s'attendre au pire. L'argent existe. Il y a des gens qui demandent des routes dans leurs villages depuis des dizaines d'années et ils ne voient rien venir. Aujourd'hui, ils sont exaspérés. Il y en a d'autres qui ont introduit des demandes de logement depuis plus de 30 ans mais sans suite. Il est vraiment urgent d'agir», explique un observateur. La secrétaire générale du Parti des travailleurs a suggéré au gouvernement de porter le Snmg à 40.000 dinars pour en finir avec les revendications concernant l'augmentation salariale, et de distribuer tous les logements vacants pour éradiquer la crise du logement et par ricochet, réduire les mouvements de protestation à cause de ce problème. Si les logements vacants étaient distribués, les derniers squats à Tebessa, et à Alger n'auraient certainement pas eu lieu. Avant-hier, la police a, en effet, procédé, de manière musclée, au délogement des squatteurs de logements sociaux, occupés durant la nuit de vendredi à samedi, à Bachdjarrah, à la cité des Bananiers. A Annaba, de violents affrontements, entre chômeurs qui demandent de l'emploi et forces de l'ordre ont éclaté, avant-hier, près du siège de la wilaya. Idem pour la wilaya de Sidi Bel Abbès où près de 400 jeunes chômeurs ont assiégé, avant-hier, le siège de la daïra de Telagh alors que des dizaines d'autres ont bloqué la route pour réclamer des contrats de travail dans le cadre du dispositif d'aide à l'insertion professionnelle (Daip). Un autre rassemblement de chômeurs a été tenu la semaine dernière à Alger, devant le ministère du Travail et de la Sécurité sociale. A Aïn Defla, ce sont quelque 600 habitants du chef-lieu de la commune d'El Maien qui ont fermé le siège de l'APC pour interpeller les autorités et attirer leur attention sur leurs difficultés quotidiennes. Plus spectaculaire, la ville d'Akbou dans la wilaya de Béjaïa vit depuis ce samedi 12 février, des affrontements entre les citoyens et les forces de police. A Alger et Oran, les forces de l'ordre ont empêché la marche à laquelle a appelé, ce samedi, la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (Cncd). A toute cette ébullition, il faut ajouter les mouvements de grève des paramédicaux et des étudiants. Les communaux menacent de recourir à ce moyen d'expression à partir du 21 février si l'administration ne donne pas suite à leurs revendications et persiste dans son refus de réintégrer tous les collègues écartés pour activité syndicale. Pour leur part, les paramédicaux qui ont entamé un mouvement de protestation, sont toujours en grève et ne comptent pas lâcher prise. Le Syndicat algérien des paramédicaux (SAP) ne veut plus entendre parler de promesses et attend du concret. Et la grève risque de s'inscrire dans la durée. Quant aux étudiants, ils ont paralysé plusieurs universités du pays. D'Oran à Constantine en passant par Alger, Tizi Ouzou, Boumerdès et Béjaïa, l'Université algérienne semble aller mal. Dans toutes ces universités, les étudiants demandent l'annulation du système LMD et formulent d'autres revendications sociales et pédagogiques. Ceux de la wilaya de Béjaïa ont marché pour dénoncer la répression de la marche d'Alger.