Les autorités marocaines convoquent l'ambassadeur de Suède et exigent le départ de sa conseillère, accusée d'avoir transmis un document officiel au Front Polisario, concernant les derniers développements dans la région. Après s'être gargarisée du soutien de la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, au projet de large autonomie, proposé par le Maroc dans le cadre du conflit du Sahara occidental, la presse marocaine par le biais de son agence officielle, MAP, a rendu public le 4 novembre un communiqué faisant part de la convocation de l'ambassadeur de Suède à Rabat, par le ministre marocain des Affaires étrangères et de la Coopération. Que s'est-il passé au cours de cet entretien? Il a été signifié au diplomate suédois un manquement grave des pratiques diplomatiques de la part d'une de ses proches collaboratrices. De quoi s'agit-il? «Mme Block-Mazoyer a transmis à des éléments séparatistes, liés à l'Algérie et au Polisario, un document officiel qui a été remis par le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération à l'ambassade de Suède à Rabat, dans le cadre d'une demande diplomatique. Ce document s'est retrouvé, par la suite, entre les mains des ennemis de l'intégrité territoriale du Royaume», indique le communiqué du ministère marocain des Affaires étrangères et de Coopération répercuté par MAP. Qu'y avait-il de si «secret» pour que les autorités marocaines en fassent une question d'atteinte à l'intégrité de leur territoire comme s'il se préparait une violation, fantômatique, de leurs frontières? Le chef de la diplomatie marocaine a organisé une réunion, le 09 octobre dernier, qui s'apparenterait, semble-t-il, à une affaire de lobbying. Etaient conviées à cette rencontre, consacrée bien évidemment au Sahara occidental pour promouvoir le projet marocain, les représentations diplomatiques européennes dûment accréditées à Rabat, ainsi que celle de l'Union européenne dont la Suède assure la présidence tournante. Un document leur fut remis dans le cadre de cette «opération». Aucune information n'a filtré quant à la manière dont il aurait été diffusé par la conseillère de l'ambassade de Suède. Manipulation ou paranoïa? Mme Anna Block-Mazoyer aurait en tous les cas commis un crime de lèse majesté. Mohammed VI doit prononcer aujourd'hui un discours à l'occasion de la célébration du 34e anniversaire de la «Marche verte» qui a signé le début de l'annexion des territoires du Sahara occidental, abandonnés par les Espagnols en 1975. L'opportunité est à saisir pour faire croire au peuple marocain que leur intégrité territoriale est sous une menace permanente. Leurs ennemis jurés? Le Polisario et les militants des droits de l'homme sahraouis qui croupissent dans les geôles marocaines pour avoir dénoncé la répression qui s'abat sur le peuple sahraoui. Ils ne cessent de réclamer à cor et à cri un référendum d'autodétermination sous l'égide des Nations unies pour qu'ils puissent s'exprimer librement sur leur avenir. Ces voix-là, Mohammed VI ne veut pas les entendre. Surtout lorsqu'elles sont étrangères. «La remise de ce document officiel par Mme Block-Mazoyer contrevient aux règles d'éthique et de professionnalisme diplomatiques qui exigent que le contenu des documents échangés soit destiné exclusivement aux autorités gouvernementales des pays représentés. Ils ne peuvent nullement être utilisés contre les intérêts du pays d'accréditation. Pour toutes ces raisons... les autorités marocaines exigent ´´le départ immédiat de Mme Anna Bock-Mazoyer´´», souligne le communiqué du chef de la diplomatie marocaine. Ironie de l'histoire, c'est pratiquement au même moment où tonne la voix de Taïeb Fassi Fihri, que lui répond en écho à partir de Stockholm, celle de la Commission internationale des juristes, (CIJ). Ils ont décidé d'attribuer le prix suédois «per Anger» 2009 à Brahim Dahane, président de l'Association des victimes de la répression marocaine. Le militant sahraoui a été arrêté avec six de ses compagnons, le 8 octobre 2009, à l'aéroport de Casablanca dès leur retour d'une visite qu'ils ont effectuée dans les camps de réfugiés sahraouis de Tindouf. Institué en 2004, le prix international «per Anger» est décerné annuellement par le gouvernement suédois pour encourager les efforts humanitaires et renforcer la démocratie. Il sera décerné à Brahim Dahane par Lena Adelsohn Liljeroth, ministre suédoise de la Culture, le 16 novembre 2009 probablement en présence de... Mme Anna Block-Mazoyer, si elle venait à être expulsée du territoire marocain.