Cette accusation a été lancée sur le plateau de la chaîne Al-Jazira. «Le Congrès de la Soummam, célébré à grands bruits, a, en vérité, fait dévier la révolution des objectifs tracés le 1er novembre 1954.» Cette accusation a été lancée sur le plateau de la chaîne Al-Jazira par Ahmed Ben Bella. L'ancien Président algérien va jusqu'à rapporter les propos de chefs historiques tel Zighoud Youcef qui aurait dit au lendemain de l'historique réunion que «si l'indépendance est inéluctable, la Révolution, en revanche, vient d'être enterrée». Et Ben Bella de préciser que le déclenchement de la Guerre de libération s'inscrivait dans le sillage d'un vaste mouvement arabe, et prend pour preuve la présence des dirigeants algériens à l'époque au Caire. «Les problèmes que vit actuellement l'Algérie ont commencé avec le Congrès de la Soummam (l'intérieur contre l'extérieur et la primauté du militaire sur le politique)», assènera-t-il. Le journaliste ne cessera pas de ramener le débat à l'influence française sur le cours de la Révolution. «La France n'a, à ce jour, pas encore quitté l'Algérie», ira-t-il jusqu'à dire. Il aura réussi à faire accréditer sa thèse par l'ancien Président algérien pour qui «Ferhat Abbas (accusé d'être francophile parmi d'autres) n'était à la tête du Gpra que pour les besoins de la diplomatie sans pouvoir réel». Ben Bella, qui ne s'est pas distingué par une production littéraire sur l'histoire de la Guerre de libération, donnait l'impression de vouloir se rattraper lors de cette émission en livrant «pour la première fois» des pans de notre histoire. C'est ainsi qu'il révéla que très peu de temps après le déclenchement de la Révolution, «Benkhedda, Salah Louanchi et Temmam devaient saisir le bureau du FLN au Caire à l'effet de rencontrer Khider pour lui faire part de faits de la plus haute importance». La rencontre devait avoir lieu à San Remo (Italie). Cette demande, selon Ben Bella, a été discutée entre les quatre dirigeants (Boudiaf, Khider, Ben Bella, Mahsas). Suite à quoi il fut décidé que ce ne serait pas Khider qui se rendra à San Remo mais Ben Bella. Lors de la rencontre italienne, les trois dirigeants venus d'Alger informèrent Ben Bella qu'«ils ont été contactés par le gouvernement français qui leur aurait déclaré être disposé à négocier à condition que les Algériens écartent le FLN et créent un autre parti». Etonné par la proposition, Ben Bella a demandé à ses interlocuteurs si Abane Ramdane était au courant de la démarche. Ils lui répondirent par l'affirmative. Les tentatives de déviation de la Révolution algérienne qui ont conduit au Congrès de la Soummam auraient, selon le premier Président de la République, commencé là. «Ceux qui étaient contre le déclenchement de la lutte armée se sont retrouvés à la tête du pays à l'indépendance.» En lançant ce pavé dans la mare, Ben Bella vise explicitement Benyoucef Benkhedda. Le message que Ben Bella s'est évertué à passer est la déviation subie par la Révolution algérienne qui était d'essence arabe. Pour lui, les luttes intestines ont commencé très tôt. Graves accusations s'il en est. Elles touchent beaucoup de dirigeants d'alors et qui ne sont malheureusement plus de ce monde. Curieusement le nom d'Aït Ahmed n'a pas été du tout cité. En revanche, Benkhedda en a «pris pour son grade». Répondra-t-il?