Ce n'est nullement un hasard s'il est allé aussi loin sur le chemin de l'érudition. Mouloud Mammeri a eu beaucoup de chance dès son enfance. Ce n'est nullement un hasard s'il est allé aussi loin sur le chemin de l'érudition. Il a eu d'abord la chance d'appartenir à une famille qui était à l'abri du besoin. L'islamologue Mohamed Arkoun écrivait au sujet du romancier: «Mouloud appartenait à une famille aisée, de toute renommée, non seulement dans le village, mais dans l'ensemble du douar et même au-delà...Leur maison toute blanche se voyait de tous les autres villages parce qu'elle se dressait au sommet de la colline à laquelle s'accrochaient l'ensemble des maisons de Taourirt Mimoun». Mohamed Arkoun ajoute aussi que dans les années 1945-1952, Mouloud était l'intellectuel brillant, élégant, admiré au village. Il avait eu le privilège d'étudier à Paris où il obtint une licence de lettres classiques. Il séjourna ensuite au Maroc auprès de son oncle Lounès, précepteur puis chef de protocole du Roi Mohammed V. «Les tout jeunes comme moi le suivaient du regard pour admirer sa chemise, son pantalon et son burnous en soie fine et dorée; on l'écoutait avec ravissement lorsqu'il devisait ou plaisantait avec ses amis, le soir au clair de lune, sur cette place nommée «Taânsout» dont il a évoqué la richesse et la fonction socio-culturelle dans La colline oubliée. L'islamologue Mohamed Arkoun rappelle que le père de Mammeri, Salem Mammeri, maintenait vivante et vivace la vieille mémoire du village et de la Kabylie. Le père de l'écrivain était l' «amin» du village: «homme de confiance, dépositaire de la mémoire collective, protecteur intègre du code de l'honneur qui assure la sécurité des personnes, des biens, des familles des communautés parentales». C'est de son père que Mouloud a reçu ce sens élevé d'une culture parfaitement intégrée et à grand pouvoir d'intégration, bien qu'elle fût et reste largement encore orale, ajoute le témoin qui était natif du même village que l'auteur de L'Opium et le bâton.