La situation demeure confuse en Libye où El Gueddafi ne donne pas signe de vouloir partir alors que, face aux sollicitations internationales, l'opposition met en garde contre toute ingérence étrangère. «Pas d'intervention étrangère, le peuple libyen peut y arriver seul», c'est en ces termes qu'une plaque apposée sur la principale avenue de Benghazi prévenait, hier, contre toute ingérence étrangère. En effet, face à la sollicitude de la communauté internationale, les Libyens en révolte rejettent toute opération militaire qui les déposséderait de leur soulèvement. «Le reste de la Libye sera libéré par le peuple libyen», a affirmé dimanche à Benghazi (est) le porte-parole du comité de la révolution Abdelhafez Ghoqa, récusant «toute ingérence ou opération militaire étrangère». Pour autant, la Libye est «complètement calme», affirmait dimanche, le colonel El Gueddafi, dans une déclaration exclusive accordée par téléphone à la chaîne de télévision serbe Pink TV. «Des gens ont été tués par des bandes terroristes qui appartiennent sans aucun doute à Al Qaîda», a-t-il tout juste admis au 13e jour d'une révolte sans précédent, précisant qu'un «petit groupe» d'opposants était actuellement «encerclé», a-t-il poursuivi. Or, depuis le début de la révolte le 15 février qui a fait des centaines de victimes selon le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki moon), ses déclarations n'ont plus d'impact. Le légendaire «qaïd» se retrouve dos au mur. Au 14e jour d'un mouvement de révolte sans précédent qui s'est mué en insurrection, El Gueddafi et ses forces ne contrôlent plus que Tripoli et sa région. Dans ce sillage, les différentes villes rebelles communiquent, mais il n'y avait pas d'organisation centrale capable de proposer une stratégie conjointe pour chasser El Gueddafi du pouvoir. C'est dans ce contexte qu'a été annoncé, dimanche soir, la création d'un «Conseil national» de la transition dont l'objectif est de préparer la Libye au changement. Le conseil a expliqué le porte-parole de la contestation est «le visage de la Libye pendant la période de transition», ajoutant que les consultations se poursuivent à propos de la composition et de la fonction de ce nouvel organe. Malgré les circonstances tragiques, l'insurrection tente de vaincre le spectre du «chaos» que le régime de Mouamar El Gueddafi n'a cessé d'agiter, même si la vie dans les villes «libérées» de Libye est loin d'être normale. A Benghazi, il n'y a plus de cours depuis le 17 février, la plupart des commerces sont également fermés, l'approvisionnement faisant défaut, l'activité du port se limite à l'évacuation des étrangers. Face à une activité considérablement réduite, le comité civil qui a pris en main la gestion de la ville a réussi à assurer de manière efficace les services de base. Le comité a placé des gardes pour protéger les installations vitales «centrales électriques, pétrochimiques, coopératives alimentaires» et lancé des patrouilles diurnes et nocturnes de volontaires armés. Sur le plan international, l'Union européenne a finalement réagi. Elle a adopté, hier, un embargo sur les armes et des gels d'avoirs visant 26 dirigeants libyens, allant au-delà des sanctions décrétées par l'ONU, mais plusieurs capitales demandent à présent d'aller plus loin en gelant tous les paiements prévus en faveur de Tripoli. La décision a été prise via une procédure accélérée, d'abord lors d'une réunion des ambassadeurs des pays européens à Bruxelles, validée ensuite au niveau ministériel. En plus des mesures onusiennes, l'UE a aussi «interdit le commerce avec la Libye des équipements qui peuvent être utilisés à des fins de répression interne», a-t-on précisé. Alors que la liste des personnes visées par les gels d'avoirs de l'ONU ne comportait que six noms, l'UE a décidé d'y ajouter «20 individus responsables de la répression violente à l'encontre de la population civile», est-il souligné. La communauté internationale, l'Occident en tête, réfléchit, par ailleurs, à une interdiction de l'espace aérien libyen en mesure d'empêcher des bombardements de la population. Une interdiction du survol de la Libye serait «sans aucun doute utile» et «éviterait les bombardements en Cyrénaïque (est) et dans les zones soustraites au contrôle du régime de El Gueddafi», a déclaré hier le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini.