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L'Islam pris en otage en France
DEVENU «LE MOUTON EMISSAIRE»
Publié dans L'Expression le 02 - 03 - 2011

L'Islam est devenu l'épouvantail qui cache la forêt des problèmes sociétaux.
L'histoire a ceci de singulier que dans sa progression cyclique elle passe parfois par des stades furtifs de régression comme pour mieux nous interpeller à des fins pédagogiques. Ainsi, lorsque certains pays sur l'autre rive de la Méditerranée lèvent l'état d'urgence, ici, dans le pays des droits de l'homme, on décrète un état d'urgence pour la deuxième religion de l'Hexagone.
Officiellement, il s'agit de «poser un certain nombre de problèmes de fond sur l'exercice des cultes religieux, singulièrement le culte musulman, et de sa compatibilité avec les lois laïques de la République». Notons au passage l'adverbe usité: mais les musulmans de France se sont accoutumés à ce traitement singulier, lequel, il va sans dire, n'a jamais constitué un atout, loin s'en faut!
De la banalisation de l'islamophobie...
Face à une vaste tendance de stigmatisation des populations musulmanes européennes, et à la suite des déclarations de la chancelière allemande et du débat calamiteux sur l'identité nationale en France, avec ses dérives, je tiens à exprimer mon indignation la plus élémentaire. La banalisation collective de l'islamophobie nous renvoie à l'une des périodes les plus sombres de l'histoire des Etats-Unis, la fameuse «chasse aux sorcières» des années 1950, conduite par le sénateur McCarthy. Sauf que dans le cas d'espèce, le musulman a pris la place du cryptocommuniste. Gageons que la raison finira par l'emporter comme avec le maccarthysme et que la «chasse aux sorcières» trouvera une fin rapide. La guerre serait la continuation de la politique par d'autres moyens selon Clausewitz, mais la formule peut être lue dans l'autre sens eu égard à l'analyse discursive des différentes prises de parole politiques sur la place de l'Islam dans la Cité.
J'accuse la classe politique, «atteinte d'une maladie de la vue et du jugement», coupable et responsable, par action, inaction, ou silence complice face au discours ostracisant à l'endroit de quelque 6 millions de concitoyens de confession ou de tradition musulmane. Ces hommes et ces femmes qui tiennent les leviers de la nation, «je ne les connais pas, je ne les ai jamais vus, je n'ai contre eux ni rancune ni haine». Même si certains, pour paraphraser un grand auteur, «ne sont pour moi que des entités, des esprits de malfaisance sociale». Et l'acte que j'accomplis ici n'est que l'expression d'une citoyenneté que j'entends faire valoir au nom même des valeurs démocratiques qui font la grandeur de notre pays. Les récentes déclarations du président de la Ve République sur le multiculturalisme puis le projet d'instauration d'un débat sur la laïcité avec une approche «spécifique» de l'islam nous questionnent sur la volonté réelle de construire un vivre-ensemble harmonieux. Plus que jamais, la stratégie de l'Islam bouc-émissaire, responsable de tous les maux de la société (axiome des 3 I: Islam = Invasion + Immigration + Insécurité) trouve sa consécration. Ce énième «débat» n'ouvre pas seulement la voie à tous les malentendus et à toutes les passions: cet exercice périlleux risque de faire sauter les derniers verrous d'une boîte de Pandore qui nous réserve bien des surprises, avec une remise en question sérieuse de notre vivre-ensemble et de la cohésion nationale. D'ailleurs, certaines voix commencent à s'élever pour dénoncer les dangers d'une telle approche aux allures «d'assignation à résidence religieuse».
Une classe politique responsable et coupable
L'argument selon lequel il ne faut pas éviter «les sujets qui fâchent» est un postulat fallacieux qui ne trouve aucun fondement: bien au contraire, la chasse sur le terrain des idées frontistes et le silence complice ou embarrassé d'une certaine classe politique, sont le terreau de la mise à mal de nos valeurs républicaines.
Car il est notoire que l'arrière-pensée (d'aucuns diront l'objectif affirmé sans complexe) de la majorité en place consiste à juguler la montée de popularité d'une extrême droite qui a fait de l'Islam son fonds de commerce. En ce faisant, l'équipe aux affaires propose ses propres «marinades» sous fond de discours populistes, sous prétexte de défense des valeurs républicaines. En outre, une certaine rhétorique politique, ou plutôt politicienne de type maurassien, tend à se banaliser, non seulement dans les milieux traditionnellement racistes qui nous y ont habitués, mais aussi dans la bouche d'une certaine droite et d'une certaine gauche bien-pensante, sous couvert de la lutte pour le respect de la laïcité. Pratiquée par des politiciens de tous bords au nom de la liberté d'expression, l'islamophobie a le vent en poupe! Il n'est pas étonnant que, conformément à cette stratégie, «l'échec du multiculturalisme» anglo-saxon est repris tambour battant par de nombreux responsables politiques français, avec à leur tête, le président de la République, pourtant garant de la constitution et de la cohésion nationale! La conclusion qui en découle est que seul, le «modèle» français d'intégration républicaine constituerait la panacée face au radicalisme, au repli identitaire et à la montée des communautarismes». Un tel «constat» a ce mérite qu'il permet de faire l'économie d'une réflexion en profondeur des problématiques réelles auxquelles sont confrontés au quotidien nos concitoyens de cette «France d'en bas» (chômage, précarité, mal-logement, insécurité, sans parler de l'image dégradée de la France à l'étranger avec une diplomatie mise à mal dans un contexte international houleux et l'esquisse d'un printemps démocratique du monde arabo-musulman...): nos alchimistes de la politique, pour ne pas dire nos apprentis sorciers, ont ainsi trouvé la pierre philosophale qui métamorphose les conséquences en causes!
Ce «débat», motivé essentiellement par des considérations de politique intérieure, constitue une imposture intellectuelle qui sous-tend une stratégie de diversion! L'Islam est ainsi devenu l'épouvantail qui cache la forêt des problèmes sociétaux. Si un «Grenelle de l'Islam de France» s'impose, il ne doit pas se décliner dans ce contexte électoral biaisé où la recherche du bouc émissaire est tellement patente qu'elle suscite non plus de la suspicion mais un refus ferme de l'immense majorité de nos concitoyens de confession ou de référence islamique, conscients de l'instrumentalisation de leur religion.
L'image de l'Islam de France mise à mal
En outre, lorsque les conditions seront réunies, tous les sujets devront être abordés dans une volonté réelle de construction: des carrés musulmans en passant par l'établissement de lieux de cultes dignes, sans occulter un débat de fond sur une véritable représentation des musulmans de France, dans le respect de leur diversité et sur une base de compétence et d'autonomie: à cet égard, il est notoire que le Conseil français du culte musulman fait face actuellement à une crise majeure, du fait essentiellement de la sclérose politicienne qui a présidé à sa constitution même. L'urgence est de restaurer une image largement mise à mal de l'Islam de France: la responsabilité de la classe politique ainsi que celle des médias, cinquième pouvoir, est avérée en la matière. Les musulmans de France et d'Europe, demandent à être considérés comme des citoyens à part entière et non à part; composante de la société et actrice au plan économique et social, cette frange de la société revendique un droit à l'indifférence. Que l'on cesse de la considérer comme cet «alien», version «V» ou les «Visiteurs», venus d'un autre monde, dans une vision conquérante, pour «pomper nos océans» et «aspirer tout l'oxygène de notre planète», avec en filigrane une suspicion récurrente quant à leur «compatibilité», voire leur «loyauté» vis-à-vis de la nation. Le schéma français «d'intégration générale» n'a pas encore fait toutes ses preuves en termes d'efficience et si, débat il doit y avoir, que l'on s'interroge sur les raisons profondes de cette déficience; que nos politiques jettent les bases d'une réflexion profonde et soient source de propositions concrètes. La République se doit de reconnaître tous ses enfants, tout en leur donnant les moyens d'être acteurs de leur citoyenneté et non plus simples spectateurs de discours stigmatisants, lesquels concourent à décrédibiliser la foi en notre beau slogan républicain de liberté, d'égalité, et de fraternité. L'Islam ne saurait être pris en otage par des manoeuvres politiciennes quelconques, et encore moins céder aux rites sacrificiels sur l'autel des logiques électoralistes et des discours politiciens peu scrupuleux; en France, comme dans l'ensemble de cette belle Europe, nos concitoyens de confession ou de tradition musulmane, les responsables politiques attachés aux valeurs humanistes et au respect de l'autre, les médias soucieux de promouvoir les fondamentaux républicains ne seront pas dupes: les musulmans de France et de Navarre et d'ailleurs ne sauraient être assimilés à ce «mouton émissaire», au risque d'ouvrir une nouvelle page sombre de l'histoire et de réveiller les instincts mortifères dans un climat anxiogène déjà bien entamé. Promouvoir le vivre-ensemble, la citoyenneté, voire la fraternité qui fait tant défaut aujourd'hui, sont autant d'enjeux cruciaux auxquels notre classe politique doit s'atteler, sans quoi notre beau pays avec ses nobles valeurs républicaines risque de sombrer dans des logiques du pire avant d'entamer un long voyage au bout de la nuit.
(*) Ancien Directeur du culte musulman de la Marine française, historien, (docteur de l'Université de la Sorbonne), membre de la Conférence mondiale des religions pour la paix (Cmrp) et secrétaire général international du Groupe de recherches islamo-chrétien. Très impliqué dans le dialogue interreligieux et l'édification de passerelles civilisationnelles. Il est également enseignant-chercheur (Master international en études islamiques et arabes, Université ouverte de Catalogne).


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