Le chaos reste maître des lieux dans un pays où la décantation tarde à s'opérer alors que les deux camps crient victoire. Bref, la confusion est l'élément le plus probant hier en Libye au dix-huitième jour de la révolte. La Libye entame aujourd'hui son dix-neuvième jour de révolte sans que n'apparaisse clairement l'issue d'un bras de fer entre le colonel El Gueddafi et son peuple bien décidé à faire sortir le clan El Gueddafi de Tripoli et de la Libye. Toutefois, plus les jours passent, plus il devient problématique et peu évidente une victoire de la Révolution d'autant plus, qu'entretemps, El Gueddafi a réorganisé ses troupes et n'hésite pas à bombarder des villes comme cela à été le cas mercredi de la ville libérée de Brega à 200 kilomètres à l'ouest de Benghazi. L'importance de Brega est qu'elle constitue le principal site pétrolier libyen. Dans une déclaration à la télévision Sky News, Seil el-Islam El Gueddafi expliquait que la frappe aérienne contre Brega «était destinée à effrayer» et d'ajouter: Brega est «le noeud gazier et pétrolier de la Libye (...) sans Brega, six millions de personnes n'auraient pas d'avenir, parce que c'est de là que nous exportons notre pétrole» a-t-il indiqué. Donc El Gueddafi est prêt à détruire le site pétrolier et gazier comme de priver le peuple libyen de son bien, dès lors qu'il serait contraint de quitter le pouvoir. La situation demeurait hier confuse alors que des bombardements intenses et des tirs d'artillerie ont été entendus de Ras Lanouf, à l'est de Tripoli, contrôlé par les forces fidèles au colonel El Gueddafi. Si les insurgés (en majorité de jeunes sans expérience militaire et des soldats qui ont rompu avec le régime El Gueddafi en rejoignant la révolution) progressaient hier vers l'Ouest, toujours sous le contrôle d'El Gueddafi, ils éprouvent cependant beaucoup de difficultés à coordonner leurs actions pour s'opposer à l'armée régulière libyenne qui continuait à bombarder sporadiquement des villes de l'Est solidement tenues par l'opposition. A Tripoli même, si la ville reste aux mains des partisans d'El Gueddafi, il n'en demeure pas moins qu'un important quartier de la capitale libyenne, Tajoura - entré en rébellion dès le troisième jour de la révolte - où des affrontements quotidiens ont lieu, résiste aux tentatives de la police de récupérer le site. Si au plan interne la situation en Libye reste confuse, il en est de même à l'internationale où, selon le président américain, Barack Obama, «toutes les options (y compris militaires) sont examinées». M.Obama a assuré qu'il faisait en sorte d'avoir à disposition «toute la gamme des options». Ces options sont «militaires et non militaires», indiquant cependant que ces décisions prendront en compte «ce qui est le mieux pour le peuple libyen». Si les Etats-Unis ne rejettent pas l'éventualité d'une intervention militaire en Libye, nombreux sont les pays, à l'instar de l'Italie et de la France, qui y sont réticents, d'autant plus qu'une telle option nécessite le feu vert du Conseil de sécurité de l'ONU et des mandats précis en l'occurrence. Il en est de même pour la création d'une zone d'exclusion en Libye, conditionnée par la destruction de de la défense anti-aérienne (DCA) libyenne. Ce qui n‘est pas du tout évident. En attendant, une armada des pays de l'Otan fait route ou est déjà positionnée au large de la Libye. Hier, ce sont deux navires de guerre américains - l'USS Kearsarge et l'USS Ponce, détachés de la VIe Flotte - qui sont arrivés à la base miliaire de Sousa en Crête (Grèce). Toutefois, El Gueddafi a réitéré sa mise en garde contre toute intervention militaire étrangère qui pourrait, selon lui, se solder par des «milliers de morts». Justement à propos de morts, la Ligue libyenne des droits de l'Homme a affirmé mercredi que le nombre de victimes en Libye avait dépassé les 6000 morts depuis le début de la révolte le 15 février dernier. La Libye s'est engagée dans un engrenage dont il serait hasardeux de dire comment il connaîtra son issue.