Des diplômes à 20.000 DA et des bureaux transformés en cybercafés. Le syndicalisme est un bon business à l'université. L'Université algérienne compte officiellement 9 organisations estudiantines agréées censées plaider les doléances socio-pédagogiques des étudiants auprès de la tutelle. Cependant, ces dernières sont curieusement silencieuses, voire absentes au moment où la communauté universitaire avait plus besoin d'elles. Ne sont-elles pas en fait que des croupions de partis politiques? On dénombre au moins trois organisations qui ne cachent pas leur affiliation politique, à savoir l'Unea (proche du RND), l'Ugel (proche du MSP) et l'Unja (proche du FLN). Ce n'est pas tout, elles sont chapeautées par des ex-étudiants, qui ont achevé leur cursus universitaire, il y a de nombreuses années. Pis encore, certaines sont même dirigées par des cadres, occupant des postes au sein des partis politiques. A titre d'exemple, le secrétaire général de l'Onse est un membre du bureau politique du FLN et dont l'âge avoisine les 60 ans! Pour ce qui est de la représentativité, elle fait défaut, à en croire Brahim Boulgane, SG de l'Unea, selon lequel l'ensemble des organisations estudiantines représentent à peine 15% des étudiants. Cependant, du côté des étudiants, il est signalé que les organisations estudiantines ne manifestent leur présence qu'au cours de certaines fêtes nationales et durant les rendez-vous électoraux, mais aussi et surtout lors des grèves et des mouvement de contestation que connaît l'Université. «Aujourd'hui, les étudiants se méfient manifestement des organisations universitaires. Ils connaissent très bien qu'elles servent plutôt de relais et d'auxiliaires à des partis politiques et à des groupes d'intérêt, évoluant autour de l'Office national des oeuvres universitaires (Onou)», a témoigné S.Rabah, étudiant à Bouzaréah. Pour l'ex-doyen de l'université des sciences humaines et sociales de Bouzaréah, Abelhamid Arab, certaines organisations courent derrière des privilèges et exploitent les étudiants pour leurs propres intérêts, en exerçant des pressions sur les structures administratives. Cet avis est aussi partagé par un bon nombre d'enseignants et d'administrateurs. A ce sujet, Ahmed Hammedi, recteur de la faculté des sciences politiques et de l'information, a fait savoir qu'il a fait l'objet de pressions de la part de certains membres d'organisations estudiantines pour leur accorder des privilèges. «Ces dernières n'hésitent pas à mettre en jeu le cursus des étudiants, et ce, juste pour leurs intérêts», a-t-il soutenu. Du côté des enseignants, on apprend que plusieurs d'entre eux ont été victimes de chantage ou de menaces pour qu'ils cèdent aux exigences des organisations estudiantines. Ces dérapages ont été signalés aux facultés de droit de Ben-Aknoun et des sciences de gestion à Dely Ibrahim. Par ailleurs, des dérives et implications de certains membres d'organisations dans des affaires de corruption et de trafic enregistrées à l'intérieur des campus universitaires ont été signalées et élucidées même par des services de sécurité. Ainsi, des étudiants appartenant à ces organisations ont été arrêtés, il y a quelque temps, par des éléments de la police judiciaire à Bouzaréah. Ils sont accusés de faux et usage de faux documents officiels. Les documents en question sont des diplômes et des attestations d'aptitude professionnelle, dans le créneau de l'audiovisuel, des techniques bureautiques et informatiques et attestations de maîtrise de langues étrangères, délivrés par ces organisations. Des sources estudiantines rapportent que ces documents sont vendus à des prix variant entre 15.000 et 20.000 dinars. Les mêmes sources rapportent que plusieurs membres d'organisations estudiantines se sont spécialisés dans cette activité, qu'ils trouvent assez juteuse. Nos sources avancent que ces mêmes organisations possèdent des «clubs» assurant des formations de soutien payantes aux étudiants en langues étrangères, en informatique et dans l'audiovisuel. Les critères arrêtés pour l'admission sont la présentation d'un certificat de scolarité et le paiement des frais de la formation, estimés à 1500 dinars. A cela s'ajoutent également, des dérives constatées dans certains campus et résidences universitaires. Ainsi, des bureaux sont transformés en lieux de commerce, cybercafés, taxiphones et flexy. De bouche à oreille on susurre que ces locaux seraient parfois loués à des personnes étrangères à la sphère universitaire. Ces locations illégales atteignent, selon un locataire, les montants de 10.000 et 15.000 dinars par mois. A ce sujet, la décision prise l'an dernier par le recteur de l'université d'Alger, Tahar Hadjar, était salutaire. M.Hadjar a délogé et récupéré une dizaine de bureaux qu'occupaient certaines organisations à l'université de Bouzaréah pour les restituer à l'administration.