Les spécialistes craignent que des précipitations de moindre importance ne provoquent de gros dégâts. Les premières équipes du CTC étaient sur le terrain depuis le 13 novembre à Alger et dans les wilayas affectées de l'ouest et du centre du pays, afin d'effectuer les expertises nécessaires sur les constructions endommagées par les inondations. Les enquêtes «ont été sciemment et pour des raisons évidentes, axées sur l'habitat». En effet parmi les 4 324 bâtisses expertisées, 4 317 sont à usage d'habitation, soit 99,85% des interventions. Les expertises au niveau de la commune de Bab El-Oued représentent 61% du nombre total des interventions. C'est également cette commune qui détient le record des dégâts. A Bab El-Oued le nombre de logements endommagés avoisine le cinquième (18,9%) du parc logements de la commune. On y dénombre presque autant de logements classés rouge que dans l'ensemble des communes - 543 - expertisées. Hormis l'habitat précaire, c'est surtout le vieux bâti qui a le plus souffert des intempéries du 10 novembre. La commune de Bouzaréah arrive en deuxième position avec 334 logements sérieusement endommagés, puis Bologhine (133). En tout 1 540 logements ont été démolis à Alger. «Il est important de préciser que ce ne sont pas tant les intempéries qui ont alourdi le bilan des dégâts, mais plutôt l'état général des constructions et des sites de leur implantation, à savoir le lit de l'oued, sur des terrains instables, sous des rochers ou très proches du rivage. Les pluies ont tout au plus contribué à accélérer les phénomènes existants : les glissements de terrain, l'accentuation des fissures...». Aussi «le débit des eaux à évacuer était tellement important qu'aucun réseau digne de ce nom (économiquement parlant) ne pouvait les contenir. Par conséquent la violente polémique autour de l'état du réseau collecteur n'est pas justifiée. Cependant, il est indéniable que l'état des divers réseaux d'assainissement a aggravé la situation, mais certainement pas dans les proportions que le laisse supposer la polémique», précise le rapport du Gecotec, (groupement des CTC), relatif aux travaux d'évaluation des dommages des intempéries d'Alger. Par ailleurs, les spécialistes craignent que des précipitations de moindre importance ne provoquent des dégâts aussi importants, compte tenu de l'état de fragilité dans lequel se trouve une partie des constructions et des terrains. Cette observation laisse présager le pire au cas où l'on persisterait à piétiner les normes les plus élémentaires de l'urbanisme en Algérie, sachant que tout le nord du pays est sismique. «Certes, des efforts colossaux ont été déployés pour le réaménageant de Bab El-Oued depuis une année, mais cela demeure insuffisant, puisque en dehors d'Alger rien n'a été fait», nous explique M.Hamid Azzouz, P-DG du CTC-Chlef. Selon notre interlocuteur «7% des habitations d'Alger sont à détruire.» Au niveau national, près de 280.000 logements sont classés rouge, ce qui représente, en somme, deux ans de la production algérienne en la matière. M.Azzouz insiste sur l'opportunité de la prise en charge du vieux bâti et la mise en place d'une politique de maintenance du patrimoine public immobilier. Un intérêt spécial doit être accordé aux constructions privées, constituant « la source de tous les risques» et pour cause, «la législation n'impose pas aux particuliers de passer par les services du CTC». Notre interlocuteur a tenu à responsabiliser les citoyens. «En Algérie, nous avons tendance à tout mettre sur le dos des pouvoirs publics. Il faut qu'on sache que, dès lors qu'on fabrique une bombe à retardement pour ses enfants, l'on devient le premier responsable de ce choix.»