L'auteur de La Géographie du danger, l'écrivain, mais aussi le poète et journaliste, Hamid Skif, est décédé vendredi. Il s'en est allé vendredi dernier, emporté par un cancer du poumon. Sale temps pour la littérature algérienne. Pour la littérature tout court. Ce natif d'Oran, ville qui a donné également naissance à deux autres écrivains en la personne de Abdelkader Djemaï et Amin Zaoui, a posé sa plume à jamais. De son vrai nom, Mohamed Benmebkhout, Hamid Skif est né le 21 mars 1951 dans une famille de commerçants originaires de Bou Saâda, appartenant à la tribu des Houhi dont était issu l'écrivain Réda Houhou. Hamid Skif est doté très tôt d'une conscience de militant. Celui qui se présentait plus tard comme «un type impossible, vétéran d'une guerre oubliée. J'écris des poèmes pour éclairer le jour ou teindre les cheveux de la nuit», est marqué dans sa jeunesse par un arrière-oncle, premier speaker francophone de Radio-Baghdad dans les années 1930 et l'un des fondateurs de l' «Organisation secrète» (l'OS) chargée par le Mtld de préparer l'insurrection algérienne de 1954. Hamid Skif fait ses études au lycée Ibn Badis d'Oran. Il rejoint en 1968 le Théâtre de la Mer qui s'installe l'année suivante à Alger et se nommera l´«Action culturelle des travailleurs» quand Kateb Yacine y intégrera son activité. En 1971, Hamid Skif fait partie, aux côtés, notamment de Youcef Sebti, Abdelhamid Laghouati ou Djamel Imaziten, des poètes réunis en 1971 par Jean Sénac pour son anthologie de la jeune poésie algérienne de graphie française et anime en 1972 les soirées poétiques du Mougar. Il participe à la rédaction de l'hebdomadaire Révolution Africaine puis, de retour à Oran, travaille au quotidien La République. Il est, en 1973, arrêté pour la publication d'un reportage sur les mauvais traitements infligés aux citoyens puis muté en 1974 à Alger par mesure disciplinaire pour avoir refusé la liquidation du journal. Hamid Skif refuse alors de prendre la direction de la revue littéraire Promesses fondée par Malek Haddad et rejoint l'Oncic (Office national du commerce et de l'industrie cinématographique) qu'il quitte en 1975 sous la pression de Ahmed Taleb El Ibrahimi, ministre de l´Information et de la Culture, pour le siège de l´agence Algérie presse service à Ouargla. Il est en 1978 nommé responsable de l´APS à Oran et est 3e lauréat du Grand Prix national du scénario avec Une si tendre enfance dont la Télévision algérienne juge le scénario contre-révolutionnaire. La presse lui refuse simultanément la publication de nouvelles qualifiées de «dangereuses». En 1979, Hamid Skif publie à Malaga (Espagne) Pais de larga pena (d'après le titre d'un poème de Mostefa Lacheraf), anthologie bilingue de poésie algérienne réalisée en collaboration avec Emilio Sola. L'Enal, maison d´édition étatique, refuse en 1981 de publier les Actes du colloque organisé par l'université d´Oran pour le vingtième anniversaire de la mort de Mouloud Feraoun sous prétexte que sa communication est «hors de saison». Hamid Skif participe activement, à cette époque, à l´animation de la vie culturelle oranaise aux côtés du sociologue Abdelkader Djeghloul. En 1984, il s'installe à Tipasa. Il quitte en 1990 l´APS pour fonder l´hebdomadaire économique Perspectives mais se heurte à l'hostilité du gouvernement Hamrouche. Il participe en 1992 à la création de l'«Association des journalistes algériens», échappant à un attentat à la bombe dans les locaux de la Maison de la presse. Il subit, en 1993 et 1994, deux tentatives d'assassinat à Tipasa, tandis que sont tués, parmi les premiers, Tahar Djaout et Youcef Sebti. De 1995 à 1996, Hamid Skif séjourne quatre mois au Heinrich Böll Haus et s'installe en 1997 à Hambourg en «transit temporaire» selon ses mots, animant des lectures et des conférences en Allemagne, en Autriche et en France. Il reçoit une bourse du Pen Club allemand dans le cadre du programme «Ecrivains en exil». Publiant régulièrement romans et poèmes, il prépare un livre sur le peintre Abdelkader Guermaz qu'il a connu dans son enfance. Défenseur de la liberté d'expression, auteur écorché et témoin de son temps, Hamid Skif garde de nombreuses oeuvres derrière lui qui le font entrer dans la postérité. Lauréat du Prix du roman francophone 2007 pour son roman La Géographie du danger sur l'émigration clandestine, il déclarait un jour à ce propos que «mon roman décrit une Europe virtuelle, complètement dominée par l'extrême droite». Amoureux des belles lettres, Hamid Skif s'est essayé à tous les genres littéraires, notamment la poésie, la nouvelle et le roman. La littérature algérienne perd un grand écrivain aux valeurs sûres.