Le vide s'élargit autour du président yéménite qui s'accroche au pouvoir et refuse de partir. Des dizaines d'officiers yéménites ont annoncé leur ralliement en masse à la contestation contre le président Ali Abdallah Saleh et des chars ont été déployés hier à des endroits stratégiques de Sanaa. En outre, le principal chef tribal, cheikh Sadek al-Ahmar, a demandé au président Saleh, au pouvoir depuis 32 ans, de se retirer, joignant sa voix à celles de dignitaires traditionnels et religieux, dont le rôle est déterminant dans ce pays pauvre de 24 millions d'habitants. Par ailleurs, au moins trois ambassadeurs, dont celui auprès de l'ONU, ont annoncé leur démission rejoignant la contestation. Une foule de protestataires bravaient toujours, hier, dans le centre de la capitale yéménite une interdiction de manifester pour exiger le départ du président Saleh, de plus en plus isolé à la tête de l'unique république de la péninsule arabique. Devant ces manifestants qui campent depuis un mois sur la place de l'Université, des officiers de tous rangs, ainsi que des soldats, se sont succédé à la tribune pour annoncer leur soutien à la contestation. Auparavant, l'un des principaux chef de l'armée, le général Ali Mohsen al-Ahmar, commandant de la première division blindée, avait fait une courte déclaration à la télévision Al-Jazeera pour annoncer son ralliement. Le général, issu de la plus influente tribu du pays, a accusé le chef de l'Etat de «réprimer les manifestants pacifiques» et de «pousser le pays vers la guerre civile». Hier, des chars se sont déployés en force à Sanaa, notamment autour du palais présidentiel, du siège du parti au pouvoir le Congrès populaire général (CPG), du ministère de la Défense et de la Banque centrale. Il n'était pas immédiatement clair si ces chars étaient sous les ordres de commandants restés fidèles au pouvoir ou d'officiers qui ont rallié la contestation. A Aden, dans le sud du pays, un autre général, Nasser Ali Chouaïbi, a lui aussi apporté son soutien à la contestation, en même temps que 60 officiers de la province de l'Hadramout et de 50 officiers du ministère de l'Intérieur. Et le gouverneur d'Aden, deuxième ville du pays, Ahmad Qaatabi, a présenté sa démission, «pour protester contre ce qui se produit dans le pays». Ces défections interviennent alors que le cheikh al-Ahmar a demandé au président Saleh «d'éviter l'effusion de sang et d'opter pour une sortie honorable». Sa défection s'ajoute à celles de responsables du régime qui se sont multipliées ces jours-ci, contraignant le président Saleh à limoger dimanche soir le gouvernement, après la démission de trois ministres. Selon l'agence officielle Saba, M.Saleh a demandé à son cabinet «d'expédier les affaires courantes jusqu'à la mise en place d'un nouveau gouvernement». La contestation a pris de l'ampleur après la mort de 52 personnes tuées lors d'une attaque vendredi contre des manifestants à Sanaa. Cette tuerie attribuée à des partisans du régime a marqué la journée la plus sanglante depuis le début, fin janvier de la contestation. Ce massacre a été condamné hier par le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, en visite au Caire. «Le gouvernement yéménite a l'obligation de protéger les civils», a déclaré M.Ban. «Il n'y a pas d'alternative à un dialogue global portant sur des réformes politiques, sociales et économiques, pour traiter la crise politique». Dans le nord du pays, des rebelles chiites ont pris le contrôle d'une installation militaire dimanche lors de combats contre des pro-gouvernementaux qui ont fait au moins vingt morts, ont indiqué hier des sources militaires et tribales. Les rebelles appartiennent à la branche zaïdite du chiisme, et combattent le pouvoir central de Sanaa depuis 2004. Cette rébellion a fait des milliers de morts et plus de 250.000 déplacés, et elle inquiète l'Arabie saoudite qui est intervenue en août 2009 pour soutenir l'armée de Sanaa.