Pour cette progéniture, un mariage boiteux est moins nocif qu'un divorce réussi. Souvent, en cas de divorce, l'on se focalise sur les parents et la nouvelle vie, en solo, qui commence pour tout un chacun. Cependant, les vraies séquelles de cette scission sont subies par les enfants. Les 20.000 cas de divorce sur décision unilatérale du père, recensés en 2010, se sont soldés par un chiffre effarant de victimes, qui dépasse les 50.000, selon les estimations de maître Aït Zaï Nadia lors d'une conférence de presse animée, hier, au forum du quotidien El Moudjahid. Ces «enfants de l'erreur», souffrent parfois terriblement. Le divorce confirmé, ils commencent à s'adonner à la drogue, ils se dévergondent, leurs notes, pour les scolarisés, chutent tandis que d'autres fuguent, tentent le suicide. Tout semble tourner à la tragédie. «Le pire pour eux atteint son paroxysme à l'âge de l'adolescence», a précisé Aït Mehdi Hadjira, psychologue au niveau du ministère délégué chargé de la Famille et de la Condition féminine. Si l'Algérie est orpheline en termes de statistiques inhérentes à ce mal qui frappe de plein fouet la société, une récente enquête réalisée par l'Union des familles en Europe a démontré que plus de six enfants de divorcés sur dix, soit 63% des personnes dans ce cas, estiment avoir eu des difficultés à surmonter le divorce de leurs géniteurs. Des témoignages recueillis, on relève celui d'une jeune fille ayant du mal à «avaler cette couleuvre» du divorce parental. «Même s'ils s'engueulaient tout le temps, j'aurais préféré qu'ils ne se séparent pas.» Un mariage boiteux serait-il moins nocif pour les enfants qu'un divorce réussi, comme l'a affirmé la célèbre thérapeute américaine Judith Wallerstein, dans un livre choc intitulé: «L'héritage inattendu du divorce»? Les oratrices étaient unanimes à répondre par l'affirmative. Comme le dit si bien l'adage «un mauvais arrangement vaut mieux qu'un bon procès». Me Ait Zaï souligne qu'en dépit des problèmes vécus par le couple, il sera toujours préférable «de rester ensemble pour le bien des enfants». Ceux-ci, s'ils assistent à la fin de la relation de leurs parents, eux aussi seront «plus enclins que les autres à réitérer ce type d'événement», prévient Me Ait Zaï. Très affectées, des mamans divorcées lancent, elles aussi, des cris du coeur: «Avons-nous le droit de faire ça à nos enfants?» Des regrets tardifs? Bourrées de remords, elles ne se rendent compte de cette vérité qu'une fois qu'il est trop tard. Dans une brillante communication, la magistrate s'est attardée sur le vide contenu dans le Code de la famille comportant des textes qui imaginent une société qui n'existe pas. Elle cite les divorces décidés par l'époux. Dans ce cas, regrette-t-elle, «le jugement est définitif en première instance» et «le juge ne fait qu'accepter la demande, il ne peut même pas faire une tentative de réconciliation». Lui emboîtant le pas, Bouregda Wahida, juriste, pense qu'il est grand temps d'évaluer ce Code de la famille après six ans de son application et connaître ses failles. Elle propose de faire des bilans au niveau des tribunaux pour savoir où on en est réellement quant à ce mal du divorce. Mme Hassiba Haoucine chef de cabinet au département de la ministre déléguée chargée de la Famille et de la Condition féminine a avancé un autre chiffre qui donne le tournis. En une année (2009), pas moins de 162 cas de divorce sont enregistrés chez des octogénaires pendant que d'autres couples se sont séparés durant les trois premiers mois après leur mariage. En Algérie, même le divorce semble n'avoir pas d'âge.