Cette façon d'opérer risque de mettre dans l'embarras des pays voisins comme l'Algérie, la Tunisie ou l'Egypte. Le département d'Etat américain a indiqué lundi, être en contact avec l'opposition libyenne sur le risque d'Al Qaîda au Maghreb islamique qui profite du conflit pour se procurer des armes. Interrogé à ce sujet lors du briefing quotidien, le porte-parole du département d'Etat, Mark Toner, a déclaré que l'Aqmi pourrait se procurer des armes et que cette question était l'un des sujets abordés entre les Etats-Unis et les forces de l'opposition libyenne: «Nous avons exprimé très clairement nos préoccupations, et l'opposition libyenne a également promis de les prendre en charge.» Au vu de la complexité de la situation qui prévaut sur le terrain à l'heure actuelle, ces propos sont loin de refléter les dessous d'une implication militaire qui, au demeurant, ne fait pas l'unanimité au sein de la communauté internationale. A la lumière de l'actualité sahélienne marquée par une activité intense des groupes terroristes affiliés à Al Qaîda, cette mise au point occulte l'essentiel de la question et donne la nette impression que les Américains accusent un retard considérable dans leur analyse de la situation. En tout cas, c'est la conclusion à laquelle sont parvenus les observateurs de la scène politique et sécuritaire algériens. Difficile à admettre lorsqu'on sait que les activités d'Al Qaîda au niveau du Sahel sont depuis des années surveillées de près par des contingents d'agents secrets agissant sous toutes les formes. Est-ce à dire que Washington ne fait plus confiance aux actions des agents de la CIA déployés en force dans la région? A priori, Washington pratique la rétention en vue de détourner l'attention de ses alliés et de l'ensemble des pays de la région. En mettant en garde le monde contre le risque que représente Al Qaîda, El Gueddafi voulait certainement se ménager une issue en tentant de décrédibiliser une opposition pacifiste au début, mais en même temps, il révélait aussi une menace bien réelle, une menace qui grandit de jour en jour avec l'aggravation du conflit armé. Cela, les Américains le savent depuis le premier jour et l'annonce faite par Obama d'autoriser les agents de la CIA à pénétrer en territoire libyen le confirme. Le but de leur mission était d'entrer en contact avec les rebelles et orienter les frappes de l'Otan. Al Qaîda est réellement en train de s'armer lourdement, confirment les sources sécuritaires algériennes. Ça aussi, les Américains le savent. Mais leur gestion médiatique laisse apparaître des intentions de diversion. La question est de savoir contre qui est destinée cette diversion? A la question de savoir si l'opposition libyenne avait des raisons de croire que l'Aqmi pourrait se procurer des armes, le porte-parole du département d'Etat a répondu que l'opposition libyenne «n'a pas confirmé quoi que ce soit, mais elle a dit qu'elle prendrait en considération nos préoccupations et examinait la question. Ils s'y sont engagés». Tout le monde sait aujourd'hui, que cette opposition n'est plus à l'abri des infiltrations par les membres d'Al Qaîda; alors il est question de savoir de quels moyens dispose-t-elle pour se prémunir contre un tel risque? Lors de son audition devant le Sénat la semaine dernière, l'amiral James Stavridis, commandant des forces américaines en Europe (US Eucom), avait souligné que les renseignements dont il dispose sur les insurgés libyens indiquaient «quelques signes» d'une présence possible d'Al Qaîda. Avant lui, l'ambassadeur américain à Tripoli, Gene Cretz, avait déclaré que l'Aqmi était «un danger pour la région». «Dès le début, lorsque j'ai rencontré les représentants du Conseil libyen de transition (CNT), ils m'ont indiqué être conscients de l'éventuel problème qui pourrait surgir avec l'Aqmi qui pourrait tenter de profiter de la situation», avait affirmé M.Cretz qui avait quitté Tripoli en décembre dernier. C'est impensable de croire que l'ancien ambassadeur américain à Tripoli ne soit pas informé dans le détail à propos d'une situation dont le suivi faisait partie de ses prérogatives stratégiques. C'est tout à fait clair et compréhensible à certains égards, mais cette façon d'opérer risque de mettre dans l'embarras certains pays voisins comme l'Algérie, la Tunisie ou même l'Egypte. A quels desseins? La suite des événements nous apportera très certainement d'autres éléments de réponse.