A peine vient-il d'être installé à la tête du ministère de l'Intérieur, qu'il s'investit, sans réserve, dans la polémique. Encore un autre dérapage de la France à l'égard des musulmans. Claude Guéant, ministre français de l'Intérieur, persiste dans ses hostilités. Après avoir utilisé le mot «croisade» pour qualifier l'intervention étrangère en Libye et après avoir fait des déclarations qui ont tendance à stigmatiser l'Islam dans le débat sur la laïcité, M.Guéant s'attaque cette fois-ci à l'immigration. Encore une fois, ce sont les musulmans qui sont ciblés par le ministre de l'Intérieur, dans la mesure où la grande majorité des immigrés en France est de confession musulmane. «En 1905, il y avait très peu de musulmans en France, aujourd'hui il y en a entre 5 et 10 millions...Cet accroissement du nombre de fidèles et un certain nombre de comportements posent problème», avait-il déjà ironisé. M.Guéant envisage de réduire l'immigration légale et de mener une «bataille» pour lutter contre les entrées illégales. Interrogé par l'hebdomadaire Le Figaro Magazine sur ce sujet, il a bien confirmé son souhait de réduire le nombre de personnes admises au titre de l'immigration du travail (20.000 arrivées par an). Le regroupement familial est un autre chapitre inscrit dans le chantier anti-immigration de M.Guéant. «Nous allons continuer à réduire le nombre d'étrangers venant en France au titre du regroupement familial (15.000)», poursuit-il, précisant avoir demandé «une étude sur la pratique des pays d'Europe sur l'application du droit international». Depuis environ plus d'une semaine, il s'est investi, sans réserve, dans la polémique. «Les Français ont parfois le sentiment de ne plus être chez eux», à cause d'une «immigration incontrôlée», a soutenu le ministre. Les observateurs s'interrogent d'ores et déjà, si les dérapages des anciens ministres français des Affaires ètrangères, M.Bernard Kouchner et Michèle Alliot-Marie, ont fait des émules. De l'autre côté, un bon nombre d'observateurs estiment que les positions anti-musulmanes et anti- immigration de la droite française sont motivées par des raisons électoralistes, notamment la présidentielle de 2012. Les thèmes défendus aujourd'hui par M.Guéant ont longuement été le cheval de bataille de Front national à l'époque de Jean-Marie Le Pen. Sur ce point, la présidente du FN, Marine Le Pen, n'a pas manqué de railler M.Guéant en l'invitant à prendre sa carte d'adhérent du FN. «Comme ça part d'une bonne intention (la déclaration du ministre, Ndlr), j'ai fait faire à M.Guéant sa carte d'adhérent de prestige. Il mérite d'être adhérent d'honneur et de prestige du FN», avait-elle ironisé, lors d'une conférence de presse.La même lecture a été faite par le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini. Ce dernier a estimé que le refus de la France d'accueillir les migrants tunisiens s'explique par «le poids» du Front national. «En ce moment en France, la dynamique interne a beaucoup de poids, avec le fait que Marine Le Pen, leader d'une droite xénophobe, arrive à attenter aux positions des candidats les mieux placés pour la présidentielle», a-t-il estimé. L'acharnement français contre l'immigration intervient à l'heure où l'allié de l'Hexagone, l'Italie en l'occurrence, a annoncé mercredi la délivrance de permis de séjour temporaires «humanitaires» aux immigrés tunisiens arrivés récemment sur son sol, qui leur permettront de voyager dans toute la zone Schengen de libre-circulation européenne. Pour le ministre italien de l'Intérieur, Roberto Maroni, «l'écrasante majorité des immigrés déclarent vouloir rejoindre amis et proches en France ou dans d'autres pays européens». Une décision dont a hérité M.Guéant. Cette question fait objet, sous un vent de tension, de débat entre Paris et Rome. Les deux ministres de l'Intérieur se sont réunis hier pour discuter de la situation. Paris n'entendait «pas subir une vague d'immigration» tunisienne venue d'Italie. Le ministre français estime que pour circuler «à l'intérieur de l'espace Schengen, il ne suffit pas d'avoir une autorisation de séjour dans (un des Etats membres), encore faut-il avoir des documents d'identité et, surtout, justifier de ressources», avait-il affirmé. L'ancien secrétaire général à l'Elysée a pris la peine de se déplacer à Rome pour convaincre les dirigeants italiens de renoncer à leur décision et ne pas délivrer des permis de séjour temporaires «humanitaires» aux immigrés tunisiens. A l'issue de cette rencontre, M.Guéant avait affirmé que «ni l'Italie ni la France n'ont vocation à accueillir les migrants tunisiens», avait-il affirmé.