La richesse écologique des côtes bougiotes est mise à mal par des appétits mercantiles. Il y a quelques années, 120 rejets ont été relevés dans la rivière de la Soummam qui recevait chaque jour un peu plus de 35.000 m3 d'eaux usées urbaines. La réduction de ces rejets n'a pas été suivie du volume d'eau qui est passé à plus 45.000 m3/jour. La pollution industrielle n'est pas en reste. Elle provient des huileries, des stations de lavage et des unités industrielles dépourvues de stations d'épuration. Sept seulement en sont pourvues. Sur les centaines d'huileries de la wilaya, plus de la moitié n'ont pas de bassins de décantation. Il y a enfin les ordures ménagères qui ne comptent pas encore de décharges réglementées. Les centres d'enfouissement programmés tardent à voir le jour suite à l'opposition citoyenne. D'autres faits aggravent la situation de l'environnent à Béjaïa. Une entreprise qui a pignon sur rue compte ériger des cuves pour le stockage des huiles brutes. Le wali aurait instruit certains services pour s'opposer à ce projet qui devait être érigé au port de Béjaïa où est déjà installée une usine agroalimentaire. Même les associations de défense de l'environnement comptent monter au créneau pour dénoncer les menaces sur la biodiversité marine. L'opposition des citoyens est le seul moyen d'éviter que leur vie soit empoisonnée par des rejets de toutes sortes. Ces mêmes citoyens sont attachés à la qualité de leur milieu de vie. Ils ont donné l'exemple en prenant soin de la forêt de Sidi Ahmed. Elle a été récemment au centre des préoccupations des défenseurs de l'environnement. L'APC de Béjaïa, en collaboration avec le mouvement associatif, dont l'association pour la sauvegarde de la baie des Aiguades, a lancé une opération de nettoyage dans les espaces verts et forêts de Sidi Ahmed. Cette forêt, à proximité de la ville, est considérée comme le poumon écologique de Bejaïa. Pas moins de cinq associations ont pris part à la campagne de volontariat qui se veut également une manière de sensibiliser l'opinion sur la nécessité de faire le geste utile. L'homme considéré comme le pollueur principal est pour ainsi dire interpellé pour protéger l'environnement, de plus en plus, objet d'agression à travers l'incivisme qu'on ne cache d'ailleurs plus au point de paraître comme une banalité pour certains. Filles, garçons, jeunes et moins jeunes, ont tenté hier de redonner à certains espaces un meilleur aspect, qui ne restera que provisoire, sachant qu'à peine quittés les lieux, ces derniers renoueront avec les ordures des visiteurs. Béjaïa qui a détenu le Prix de la ville la plus propre en Algérie est devenue, ces dernières années, une poubelle à ciel ouvert. C'était au début des années 1980, mais depuis, la situation n'a pas fini de se dégrader. Que ce soit en ville ou dans les différents grands centres urbains, le spectacle est le même. Sur la route de Gourara et au niveau du quartier Sidi M'hamed Amokrane, c'est une véritable décharge publique qui s'offre aux yeux du visiteur. Le vieux cimetière est dans un tel état que même le respect dû aux morts est quasi inexistant. L'air de l'arrière-port de Béjaïa est devenu irrespirable. Depuis que les grands pollueurs s'y sont installés, rare ceux qui ne font pas la remarque du genre: «C'est quoi cette odeur?» Non seulement vos narines sont agressées par les odeurs toxiques (bitume, peinture, torréfaction de café, céréales, huiles etc.) mais vous êtes aussi incommodés par les passages menant à cet endroit. Béjaïa, où le géranium et le jasmin poussent librement à longueur d'année, ville chantée par les artistes, et dont des poètes de renommée ont fait l'éloge, rejoint le rang des villes les plus sales, enterrant ainsi sa célèbre réputation de ville propre qui faisait la fierté de ses enfants. La preuve est à écouter dans une reprise de la chanson «Vgayeth Thelha», oeuvre d'un jeune artiste qui traduit une réalité actuelle tout à fait contraire de celle développée par le chantre de la chanson kabyle, le maestro Chérif Kheddam.