Cette élite issue des grandes écoles a opté pour la sagesse comme parade à la matraque. Vulgarités, intimidations et bastonnades. C'est ce qu'ont réservé hier les policiers aux étudiants qui ont tenté de se rassembler devant la présidence de la République. Trois étudiants sont gravement blessés et admis aux urgences du CHU Mustapha-Pacha. Deux autres ont été arrêtés puis libérés quelques heures plus tard. C'est avec cette brutalité sans limites que les forces de sécurité ont empêché un millier d'étudiants de rejoindre le Palais présidentiel, prévu comme lieu du sit-in organisé, hier, par les grandes écoles. Filles et garçons ont été malmenés avant d'être roués de coups. «Notre action est hautement pacifique, on n'est pas des voyous», lance un étudiant à l'encontre d'un policier. Et l'autre de rétorquer: «Respectez au moins notre statut.» Les chauffeurs et les piétons ont subi des violences verbales. A l'instar du sit-in organisé devant le département de tutelle, cette élite a prôné la sagesse comme meilleure parade à la matraque. Des slogans sont scandés. «Ulac Smah Ulac», et le fameux «Dégage Harraoubia», sont entendus de très loin. Aux multiples incohérences de leur ministre «dépassé par l'évolution des événements», ils sollicitent l'intervention immédiate du chef de l'Etat. Les minutes s'égrènent. Les étudiants multiplient les tentatives de forcer le cordon sécuritaire. Le mouvement annonce la couleur pour la marche grandiose qui sera tenue aujourd'hui de la Grande Poste au Palais du gouvernement. L'agressivité et la violence inqualifiables dont ont fait usage les policiers, n'ont fait qu'exacerber les universitaires, déjà au summum de leur colère après les récentes déclarations du ministre de l'Enseignement supérieur Harraoubia. Lors de la conférence nationale tenue à l'Usthb, le ministre n'a pas convaincu. Rachid Harraoubia a promis de constituer un comité formé d'experts nationaux et internationaux pour examiner les problèmes des grandes écoles. «De la poudre aux yeux», rétorquent les étudiants. «On est contre cette ingérence, le problème de l'Université est vu de loin», explique M.Ahras. Comme la plupart des autres établissements, les examens sont boycottés au niveau de cette école. Il reste que même avec cette violence, les étudiants ne baissent pas les bras. Venus par dizaines, ils rejoignent leurs camarades. La route qui mène au lycée Descartes (Alger) est complètement bloquée. Des voitures, camions et d'autres engins s'alignent en files interminables. La circulation est déviée vers El Biar. On entend des klaxons et des youyous pour soutenir ces centaines d'étudiants. Approché, Rabah Noël, délégué de l'Ecole supérieure du commerce (ESC), lance un énième message de détresse: «On approche de l'année blanche qu'on a tout fait pour éviter.» Ayant rejoint les siens après avoir subi les premiers soins à l'hôpital Mustapha-Pacha, Aghiles porte-parole de la Coordination nationale autonome des étudiants (Cnae), résume ainsi la situation: «Je me suis senti privé de ma liberté. La manière dont nous ont traités les forces antiémeute est injuste». Pour Abed Mahfoudh, délégué de l'Ecole supérieure de l'informatique (ex-INI), des ambiguïtés persistent quant à certains points inhérents aux grades de master et de l'ingéniorat. «Ni les mécanismes ni encore la durée de la procédure ne sont définis», avance-t-il en guise d'arguments. Refusant de retourner bredouilles après des mois de contestations, les étudiants veulent-ils leur propre révolution?