Tabassés à coups de matraques et de bâtons, les étudiants des grandes écoles ne sont pas prêts d'oublier ce qu'ils ont vécu hier à El-Mouradia. Ils ont réussi à affronter tous les coups et manifester leur colère pendant six longues heures. Les médecins résidents, qui étaient également sur les lieux, ont eu droit au même traitement. En décidant de tenir un sit-in devant la Présidence, les étudiants ne se doutaient certainement pas de ce qui les y attendait. Jamais une manifestation, notamment celle des derniers mois, n'a été réprimée de la sorte. Arrivés en masse pour solliciter l'intervention du premier magistrat du pays en vue de la satisfaction d'une revendication pédagogique que leur tutelle ignore toujours, les étudiants des grandes écoles ont été violentés, agressés physiquement et verbalement. En fait, l'avenue Pékin d'El-Mouradia s'est transformée, en l'espace de six longues heures, en un véritable champ de bataille. D'un côté, près d'un millier d'étudiants et, de l'autre, des policiers qui ont pour instruction de bloquer la foule depuis le lycée Descartes. Les manifestants ont eu droit à des coups de pied, des coups de poing et toutes sortes d'insultes et de grossièretés sans aucun respect aux nombreuses oreilles chastes. Des étudiantes agressées verbalement puis violentées et tabassées par les femmes policières venues en renfort une demi-heure avant la fin de la manifestation. Les coups portés aux étudiants étaient tellement forts que de nombreux blessés ont été évacués vers le CHU Mustapha-Pacha. Le premier étudiant, qui a forcé la ceinture de sécurité des forces antiémeutes, a eu droit à 15 jours de maladie en raison des coups de bâtons portés aux jambes. Le nombre des blessés augmentait au fil des tentatives des étudiants de forcer le cordon sécuritaire. Personne n'était en mesure de donner un chiffre exact mais nombreuses étaient les étudiantes qui se sont évanouies à la suite d'un coup de bâton. Le fait de pousser violemment les manifestants en usant des boucliers provoquaient des blessures au visage. L'un des étudiants avait le visage ensanglanté suite à une blessure juste au-dessus de l'œil. Il faut signaler aussi que plus d'une dizaine d'étudiants ont été arrêtés. Les cinq, qui ont été interpellés dans la matinée, ont été relâchés suite à la pression des manifestants. Cependant, ceux qui ont été violemment embarqués dans les nombreux fourgons immobilisés tout au long de l'avenue Pékin n'ont pas été relâchés. En fait, tout se passait tellement vite et les scènes de violence étaient telles que même les passants n'hésitaient pas à reprocher aux policiers leur attitude. “Nous sommes des étudiants, pourquoi vous nous tabassez comme des animaux ?” fulminent les étudiants. Il faut dire que l'attitude des policiers dépêchés en force sur les lieux ne faisait qu'accentuer la colère des étudiants. “Dégage d'ici avant que je ne t'explose”, menace un policier ou encore “vous vous croyez instruits alors que vous n'êtes rien”. Les insultes ne sont qu'une infime partie de ce que les étudiants ont vécu hier à El-Mouradia. Même les journalistes et les photographes de presse n'ont pas échappé aux foudres. Un journaliste s'est même vu confisquer son téléphone portable car un des policiers l'a surpris en train de filmer la bastonnade des étudiants. Impressionnant dispositif sécuritaire Le dispositif sécuritaire, mis en place à partir de la place Addis-Abéba jusqu'à la Présidence, ne laissait aucun doute sur l'accueil qui allait être réservé aux manifestants. Des policiers postés dans chaque ruelle, d'autres qui descendaient à pied pour bloquer les étudiants aussi loin que possible, des stations-services du Golfe… Les policiers en civil n'hésitaient pas à s'approcher de chaque jeune ayant l'allure d'un étudiant pour le dissuader de descendre vers le lycée Descartes. Et c'est finalement un peu plus bas de ce lycée que les étudiants seront immobilisés par les policiers. Ces derniers ont tenté de les cantonner dans une ruelle pour les empêcher de bloquer la route. Au départ, les policiers, qui ont constitué le cordon de sécurité, n'avaient ni bouclier ni bâton. Ils repoussaient les manifestants qui n'ont pas cessé de rappeler qu'il ne s'agit que d'une action pacifique. Mais vers 12h, les choses “sérieuses” ont commencé d'autant que les étudiants avaient réussi à forcer la ceinture de sécurité. Les forces antiémeutes, équipées de matraques et de boucliers, arrivent en renfort. Matraqués, bastonnés, blessés… les étudiants étaient décidés à bloquer complètement la route. Ils réussiront vers 13 heures. Assis par terre en scandant : “Nous sommes des étudiants pas des voyous.” Après près d'une heure de blocage total de la route, la décision est prise d'évacuer les lieux par tous les moyens. La situation dégénère et un groupe d'étudiants réussira à s'échapper du cordon et se rassembler non loin des médecins résidents qui ont eu droit à quelques coups. Pendant près d'une heure, l'avenue Pékin était le théâtre de scènes de violence et de dépassements qui auraient pu être évités.