l'interdiction de la représentation par l'image en Islam ne vise que l'image de la divinité. Le rapport du musulman à l'art en général, et à la musique en particulier, ne pourrait être perçu que si l'on prenait en considération la position du citoyen algérien vis-à-vis de toute forme de représentation, à commencer par les antiquités que d'aucuns considèrent comme doublement étrangères. Leurs détracteurs mettent le plus souvent en avant le fait que ces somptueux vestiges furent inventés, étudiés, inventoriés et exposés avec un intérêt prédominant pour les représentations romaines tant leur reconnaissance et leur conservation permettaient de justifier la présence française qui considérait ce nouveau territoire, par référence aux Romains, comme étant la terre de leurs ancêtres. La suprématie de la civilisation chrétienne. Depuis l'Indépendance nationale, rien ne semble ébranler dans leurs certitudes de nombreux Algériens qui ne se reconnaissent nullement dans des antiquités évoquant Phéniciens, Romains, Byzantins, Espagnols ou Français. Une dissonance de taille rend, par ailleurs, cette relation quelque peu problématique. Musulman convaincu, l'Algérien se trouve dans l'impossibilité de faire abstraction de sa religiosité, surtout lorsqu'il porte un regard sur les antiquités et que celles-ci appartiennent, à plus forte raison, à la période antéislamique, à la jahilya qui symbolise, on ne peut mieux selon son entendement, le temps de l'ignorance, des ténèbres et celui du règne des païens. En d'autres termes, l'Histoire vraie de l'Humanité commencerait, pour certains amateurs de raccourcis, avec la révélation du Coran alors que celle qui précède appartiendrait au temps de la falsification et de l'idolâtrie. Exhumer et glorifier les oeuvres antéislamiques, c'est occulter, sinon porter ombrage aux temps de la naissance de l'Islam et de ses premières splendeurs. En réalité, l'interdiction de la représentation par l'image en Islam ne vise que l'image de la divinité. Elle se situe donc dans la perspective du décalogue ou, plus exactement, du monothéisme abrahamique que l'Islam entend renouveler. Dans sa dernière comme dans sa première manifestation, le monothéisme s'oppose directement au polythéisme idolâtre, de sorte que l'image plastique de la divinité se présente aux yeux du musulman, selon une dialectique à la fois historique et divine, comme la marque de l'erreur qui associe le relatif à l'absolu, ou le créé à l'incréé, en rabaissant celui-ci à celui-là. La négation de l'idole, ou mieux encore sa destruction est comme la traduction, en termes concrets, du témoignage fondamental de l'Islam. Les paroles du Prophète (QSSSL), condamnant les artistes enclins à imiter l'oeuvre du Créateur, n'ont pas toujours été interprétées comme un rejet pur et simple de tout art figuratif. Ils ont été nombreux parmi les islamologues à n'y voir que la condamnation d'une intention prométhéenne ou idolâtre. A la question de savoir si l'art figuratif est interdit ou toléré en Islam, il est aisé de répondre, sans la moindre hésitation, que cet art peut parfaitement s'intégrer dans l'univers de l'Islam pourvu qu'il n'oublie jamais ses propres limites. Il ne jouera qu'un rôle périphérique et ne participera pas directement à l'économie spitituelle de l'Islam. L'organisation d'un colloque peut constituer une sorte de prélude à une profonde réflexion en la matière. A l'effet, bien sûr, de proposer un éclairage édifiant sur deux aspects de l'aniconisme islamique. D'une part, la préservation de la dignité primordiale de l'homme dont la forme faite «à l'image d'Allah» ne sera ni imitée ni usurpée par une oeuvre d'art, nécessairement limitée et unilatérale. D'autre part, rien qui puisse devenir une idôle, ne serait-ce que d'une manière relative et toute provisoire, ne doit s'interposer entre l'homme et l'invisible présence d'Allah. Ce qui prime, en définitive, c'est le témoignage qu'il n'y a pas de divinité hormis Allah, il dissout toute objectivation du divin avant même qu'elle ait pu se produire.