Les professionnels du 7e art sont actuellement focalisés sur les textes d'application de la nouvelle loi, prévus pour la fin de ce semestre, dans l'espoir qu'ils la trouveront améliorée, car jugée «vague!». Les nouvelles dispositions portant sur la nouvelle loi sur le cinéma suscitent le courroux de certains cinéastes et le mécontentement de beaucoup d'autres. Pour ainsi dire, il est loin de répondre à leurs attentes. Certains se sentent floués et pensent plutôt être revenus en arrière. Pour Ahmed Rachedi, le père du légendaire film L'Opium et le bâton, les autorisations pour les films traitant de la guerre de Libération nationale «existaient avant la nouvelle loi», sans préciser sa pensée. Cependant, son projet de film sur Krim Belkacem, déposé il y a plus de deux ans maintenant, «attend toujours l'autorisation finale, après le visa délivré par le ministère des Moudjahidine, il y a près de deux mois», révèle-t-il. Aussi, pour beaucoup, les nouveaux textes risquent d'aggraver encore plus, les lourdeurs administratives, tout en consacrant la censure et le monopole de l'Etat sur la production cinématographique. Le débat autour de l'article 6 de la loi relative à la cinématographie, soumettant la production de films sur la guerre de Libération à l'approbation des autorités politiques ne cesse de provoquer des remous. Pour le producteur et néanmoins réalisateur du film Dix millions de centimes, cette loi est tout simplement pénalisante et insensée, tout en affirmant être «la première victime de cet article» et souvent en «proie à la censure». Evoquant son projet de long métrage sur Larbi Ben M'hidi, Bachir Derrais fait remarquer que son film est bloqué à cause des lourdeurs administratives engendrées par le même article», autrement pas d'autorisation de tournage à cause de cet article qui met à dos le ministère de la Culture face à une situation ambiguë. Pour comprendre mieux, l'article 6, qui subordonne toute production de film sur la guerre de Libération nationale à l'approbation préalable du gouvernement, provoque de réelles situations ubuesques, empêchant un réalisateur de procéder correctement à son travail. Mieux, il ne sait plus à qui s'adresser surtout quand le ministère de la Culture croit-on savoir, reconnaît lui-même la faille de cet article sans broncher. Bachir Derrais estime que cet article reste «vague» sur la partie apte à délivrer l'autorisation. «On est les otages de la nouvelle loi, ne sachant plus à qui s'adresser, car deux ministères, celui de la Culture et celui des Moudjahidine, réclament, chacun, un droit de regard sur les films portant sur la guerre de Libération nationale». Suite au dépôt du projet, une fiction, il s'est vu proposer une offre de produire la totalité du film par le ministère des Moudjahidine, offre qu'il a déclinée. La raison invoquée par le producteur est toute simple et même logique: «La mission d'un ministère est de soutenir la production, et non pas de la financer dans sa totalité. Accepter de se faire produire par un organe de l'Etat, ouvrirait les portes de l'ingérence de ce dernier dans le contenu du film», a-t-il souligné. Evoquant la «carrière» d'un film produit par un ministère quand il s'agira de son exploitation et de sa présentation dans les festivals, Bachid Derrais met en garde contre «le risque de le mettre (le film) dans un tiroir et le condamner à l'oubli». Abordant le volet télé dans son rôle de promotion de films, sachant que beaucoup sont achetés mais jamais diffusés sur le petit écran, Bachir Derrais estime que la télévision nationale qui jadis coproduisait un grand nombre de films, a «diminué de beaucoup de son apport ces derniers temps». A l'exception d'un article qui encourage la diffusion des films de cinéma sur le petit écran, la nouvelle loi n'aborde pas les rapports entre la télévision et le cinéma, du moins pas dans leur volet financier. Le principal levier de financement du cinéma demeure pour les professionnels du secteur, les recettes des salles de projection..Sur cette question aussi, estiment-ils, les textes nouvellement promulgués n'apportent pas de solutions. Ils voient aussi dans l'article 23 de la loi relative à la récupération et l'exploitation par le ministère de la Culture des salles gérées par les collectivités locales jusque-là, un «retour déguisé» au monopole de l'Etat. Pour Bachir Derrais, le débat ne doit pas tourner autour de la récupération des salles, mais dans l'investissement privé dans ce secteur. «Les salles de quartiers est un concept dépassé. Il s'agit de construire des multiplex avec parkings, cafés, restaurants...», argumente-t-il. Selon lui, la production de films doit bénéficier, en guise d'encouragement, de suppressions de taxes sur le matériel de projection et les films importés ainsi que d'une exonération d'impôt, même temporaire, au profit des exploitants de salles. Un domaine toutefois que tout le monde s'accorde à promouvoir et à encourager est la formation aux différents métiers du cinéma, jugée «médiocre». Sur ce point, il existe deux établissements dont le fruit de leurs efforts reste bien maigre. Faut-il peut-être même revoir le CV des formateurs? Il s'agit de l'Ismas (Institut supérieur des métiers des arts de spectacle et de l'audiovisuel) et l'Insfp (Institut national des métiers de l'audiovisuel et de la communication) qui prépare aux métiers techniques du cinéma. A ce propos, le réalisateur et producteur, Belkacem Hadjadj, auteur entre autres de El Manara, regrette le temps où l'Etat algérien envoyait des boursiers pour formation dans les grandes écoles de cinéma. En attendant, les spécialistes du cinéma sont focalisés sur les textes d'application de la nouvelle loi prévus pour la fin de ce semestre dans l'espoir qu'ils trouveront une amélioration de cette nouvelle législation jugée «vague!».