Le monde entier s'est réveillé hier en plein fracas médiatique à la suite de l'annonce de la mort de Ben Laden. C'est le président américain en personne qui s'est chargé de donner l'information, lui imprégnant un cachet hautement officiel. En engageant de manière solennelle la responsabilité directe de la Maison-Blanche dans la neutralisation de celui que les Américains présentaient comme «l'ennemi public numéro1», Obama vient de signifier de façon catégorique la fin d'une époque sanglante et le début d'une autre époque qui fait déjà peur dans un monde agité par toutes sortes de conflits. Annoncée un 1er mai, une date que les multiples crises économiques et politiques à travers le monde ont vidé de son sens mais qui reste toutefois très symbolique, la nouvelle de la neutralisation du chef d'Al Qaîda a eu l'effet d'une bombe paralysante à travers le monde. Hier, à Riyadh, capitale du pays natal de Ben Laden, à Paris ou à Londres et même à Alger où ce personnage est assimilé à la mort que ne cesse de semer un certain Droukdel, la «chasse» aux avis autorisés battait son plein dans le but de recueillir le maximum d'éléments pouvant aider les analystes dans leurs commentaires. Sans douter de la véracité de l'information, il est surprenant de constater, cependant, que les opinions publiques et particulièrement celles qui ont connu le terrorisme islamiste ne croient pas vraiment la version américaine. Le premier fait majeur, que les Algériens relèvent, concerne justement les circonstances dans lesquelles Ben Laden a été tué. Comment pourrait-on croire à ce scénario montrant un commando US opérant en pleine nuit à une cinquantaine de km de la capitale d'un pays comme le Pakistan sans que les forces de sécurité de ce dernier ne soient mis à contribution? Est-il logique qu'un personnage comme Ben Laden puisse se réfugier dans un environnement urbain, alors qu'il fait, prétendument, l'objet d'une traque sans merci menée par la CIA depuis 10 ans? Dans son annonce, le président américain s'est contenté de dire l'essentiel en attendant que les sources autorisées reprennent l'information et toutes les retombées qu'elle pourrait provoquer. De son côté, Interpol n'a pas tardé à tirer la sonnette d'alarme en mettant en garde contre un risque terroriste plus élevé et appelle à une vigilance accrue. L'organisation de coopération policière internationale, qui collabore avec les forces de police de 188 Etats dont l'Algérie, met en alerte maximale ses collaborateurs pour lutter contre des actes de représailles si Al Qaîda tentait de prouver qu'elle existe encore. Le secrétaire général d'Interpol Ronald Noble, cite dans un communiqué que «le terroriste le plus recherché au monde n'est plus, mais la mort de Ben Laden ne représente pas la disparition des organisations affiliées à Al Qaîda ou inspirées par Al Qaîda, qui continuent et vont continuer à s'impliquer dans des attaques terroristes à travers le monde». Et de souligner «Nous devons donc rester unis et concentrés sur la coopération et la lutte que nous avons engagées, non seulement contre cette menace mondiale mais aussi contre le terrorisme perpétré par quelque groupe, où qu'il soit». De l'avis des services de sécurité algériens, les réseaux terroristes affiliés à Al Qaîda vont réagir comme une vraie bête féroce, notant au passage que le numéro 2 de la nébuleuse, Aymen Al Zawahiri, reste plus dangereux. Selon eux, le Pakistan payera une lourde facture et sera peut-être le plus exposé avec des retombées dont on ne mesure pas pour le moment tout ce qu'il pourrait induire pour l'avenir immédiat de ce pays. Les mêmes sources jugent que les médias «gonflent» l'information pour des raisons commerciales, ce qui va encore provoquer les terroristes et la riposte sera sanglante. Nos sources estiment, d'autre part, que la nouvelle de la mort de Ben Laden aura certainement des répercussions en Afghanistan où les taliban ne vont pas tarder à jeter toutes leurs forces dans le combat. En fait, cela n'a pas trop tardé avec les menaces émises hier par les taliban pakistanais qui promettent une réplique sanglante. Cette situation arrange les Américains leur donnant la raison de maintenir leurs troupes en Afghanistan tout en convainquant leurs alliés, plus ou moins réticents, à en faire de même. Au Yémen où la situation est déjà critique, les réseaux dormants d'Al Qaîda vont introduire le maximum de violence dans un Etat menacé lui aussi par la partition. En Libye, les nombreux éléments d'Al Qaîda au Maghreb islamique infiltrés dans les rangs des insurgés anti-Gueddafi vont exploiter la situation de chaos qui prévaut dans ce pays pour «exporter» leur nuisance aux pays du Sahel. La neutralisation de Ben Laden a-t-elle déjà donné le coup d'envoi du deuxième épisode de la lutte antiterroriste? En attendant la réponse à cette question, Obama semble marquer des points dans la course au second mandat de la présidence US.