L'annonce du décès de Ben Laden a créé une onde de choc à travers le monde et les réactions affluent des capitales. Sitôt la nouvelle annoncée par le président américain, des milliers d'Américains se sont rassemblés spontanément devant la Maison-Blanche pour crier leur joie avant de se rendre sur le site des attentats à l'avion toujours en chantier comme pour entretenir la flamme antiterroriste. Ground-zéro n'a pas désempli hier et tout le cœur de Manhattan était noir de monde. La mort de l'ex-richissime saoudien, qui a embrassé la carrière de terroriste en clamant être en conformité avec le wahhabisme, cette interprétation extrêmement rigoriste de l'Islam que l'Arabie Saoudite a propagé via ses pétrodollars partout dans le monde, met fin à une dizaine d'années de rebondissements. Malgré la sophistication des moyens de recherche mis en œuvre par Washington et les primes plus qu'alléchantes promises pour sa capture, Ben Laden avait jusqu'ici échappé à celle-ci et même aux tentatives de localisation. Obama a révélé avoir été mis au courant par son équipe de renseignements en août dernier de la possibilité d'une piste menant à Ben Laden. “Il a fallu plusieurs mois pour remonter ce fil. J'ai rencontré mon équipe de sécurité nationale à de nombreuses reprises pour développer davantage de renseignements relatifs à une localisation de Ben Laden dans un complexe de bâtiments en plein cœur du Pakistan”. Le coup d'envoi de l'opération a été donné, selon Obama, la semaine dernière. Le président américain avait souhaité sa capture pour le présenter devant la justice américaine, mais, a-t-il expliqué, après un échange de coups de feu, la petite équipe d'Américains chargée de l'opération a tué le terroriste le plus recherché dans le monde et a récupéré son corps. Si, dans le monde occidental, c'est, à l'image des Etats-Unis, la liesse, c'est “un jour noir pour nous”, est-il écrit dans les sites et forums jihadistes. Incrédulité, colère, mais aussi premières menaces, selon des traductions d'instituts américains spécialisés de sites islamistes. “Si Dieu le veut, l'information est fausse”, ont écrit certains d'entre eux, tandis que pour d'autres comme Shumukh al-Islam : “Les lions resteront des lions et continueront sur les traces d'Oussama. L'Amérique ne connaîtra pas la sécurité aussi longtemps que nous ne la connaîtrons pas en Palestine”. Et voilà le voile levé de nouveau sur ce qui alimente le terrorisme. En effet, rien que sur cette question des Palestiniens, qui a constitué le fond de commerce par excellence d'Al-Qaïda et de ses multiples franchises, rien ne semble contribuer à sa résolution et les Etats-Unis continuent toujours d'afficher leur alignement entier et aveugle sur les thèses pourtant intenables d'Israël. Le Premier ministre israélien vient de prendre le prétexte de la réconciliation interpalestienne pour affirmer son refus au processus de négociation avec l'Autorité palestinienne. Ce qui n'est pas une nouveauté puisque Netanyahu l'a gelé depuis plus d'une année tout en poursuivant la colonisation des terres palestiniennes en Cisjordanie. Obama, lui, par contre, s'est déjugé en se couchant devant la posture israélienne. Le président américain avait pourtant lui-même fixé les règles du processus de négociation, promettant leur Etat aux Palestiniens et la fin de la politique américaine du deux poids, deux mesures au Moyen et Proche-Orient avec une approche sereine et gagnante-gagnante dans les relations avec le monde musulman. Si la mort de Ben Laden permet à Obama de revendiquer la plus grande victoire depuis une décennie en matière de sécurité nationale, chose qui avait échappé à George W. Bush pendant près de huit ans, c'est insuffisant pour redorer son blason au sein des populations de la région où, par ailleurs, sa politique au Moyen-Orient est sérieusement mise en doute. Selon des spécialistes du terrorisme, cette disparition de Ben Laden va plutôt encourager les tendances centrifuges au sein d'Al-Qaïda, entre un centre de plus en plus confiné dans les zones tribalisées pakistano-afghanes, antre des talibans qui donnent du fil à retordre aux Américains et à sa coalition de l'Otan (Asaf), la branche irakienne dont personne ne sait où se situe sa tête hormis le fait qu'elle veuille être identifiée au wahhabisme dans sa version la plus extrême et, enfin, les franchises régionales que sont Al-Qaïda pour la Péninsule arabique, très marquée par sa dimension yéménite et son ambition saoudienne, Al-Qaïda pour la Maghreb qui sévit dans Sahara sahélien et la branche en constitution du côté de la Somalie. La mort du leader d'Al-Qaïda pourrait aussi avoir un fort impact sur les relations entre les Etats-Unis et le Pakistan, un pays allié, mais souvent pointé du doigt pour son manque d'empressement à lutter contre le terrorisme. Ben Laden a été tué tout près d'Islamabad et Washington n'avait pas averti les Pakistanais de l'opération contre lui !