Djoudi Djadi a été condamné pour «tentative de meurtre». Beaucoup de zones d'ombre entourent cette affaire. «Mon statut ne se résume pas à celui d'un prisonnier. Je suis l'otage d'intérêts inavoués. Maman, je suis victime d'une injustice», clame une voix au téléphone. Les yeux d'Ourida Yahiaoui, une femme de 74 ans, habitant au boulevard Frères Djouadi, à Alger, s'emplissent de larmes. Elle vient d'entendre la voix de son fils qu'elle n'a pas vu depuis... 25 ans. Ce cri provient du fin fond de la prison de Haute sécurité de Forest Street de Baltimore (Maryland), aux Etats-Unis. Il porte la colère de Djoudi Djadi, 56 ans, détenu dans ce centre pénitenciaire, sous le n°184 709. Ce technicien en électronique et télécommunications est né en 1955. Il a fait ses études primaires à l'école de Souidania et secondaires au lycée El Mokrani de Ben Aknoun. «Mon frère était un exemple de simplicité et de gentillesse», se souvient de lui Smaïl, un cadre au niveau de la wilaya de Tipasa. Il revoit encore son frère, plein d'ambition, en train de préparer ses affaires pour partir aux pays de l'Oncle Sam. Djoudi émigre aux USA en 1983. Il s'établit à Baltimore où il exerce comme réparateur d'appareils électroniques. La vie semble lui sourire. Il fait la connaissance d'une Américaine nommée Térésa Wittile. Djoudi projette, alors, de se marier avec cette femme. Seulement, son rêve bleu se transforme en cauchemar lorsqu'il découvre qu'elle est mariée et mère de deux enfants. La descente aux enfers commence. «C'est alors que leurs relations, bien que poursuivies, se sont détériorées», note l'ancien président de l'Observatoire national des droits de l'homme (Ondh), Rezzag Bara, dans la correspondance n° 650/93, adressée à l'ambassadeur de l'Algérie aux USA, le 28 septembre 1993. La vie de Djoudi bascule. «A l'occasion d'une dispute, le 24 janvier 1986, M.Djadi déclare qu'il a été menacé au couteau par sa compagne et qu'étant armé, en raison du manque de sécurité dans le quartier où il habite, il a tiré sur elle la blessant à la tête», mentionne la même correspondance de M.Bara. Les événements prennent une tournure tragique. Djoudi est pris de panique. Il n'est pas habitué à ces scènes de violence, lui qui a grandi au sein d'une famille pétrie de valeurs ancestrales, où le sens de l'honneur n'est pas un vain mot. «Dès l'exécution de l'acte, M.Djadi a tenté de mettre fin à ses jours en avalant des barbituriques», soutient la même source. Djoudi perd connaissance. Sa vie ne tient qu'à un fil. Il ne doit son salut qu'à l'intervention de la police qui l'évacue, en urgence, à l'hôpital. A sa sortie, il est présenté à une audience préliminaire, assisté de son avocat, Howard Cardin. Ce dernier parvient à le convaincre de plaider «la culpabilité sous l'effet de l'insanité mentale». Djoudi est au bord du désespoir. Il est pris en tenailles. Il ne maîtrise pas l'anglais et n'a aucune notion sur le système judiciaire américain Pis, l'examen psychiatrique qu'il subit après son audition s'avère négatif. Djoudi est jeté dans la gueule du loup. «Il a été condamné, sans la présence du jury, à la prison à vie», mentionne M.Bara. Motif de la condamnation: tentative de meurtre. Beaucoup de zones d'ombre entourent cette affaire. D'abord, Mme Wittile (la plaignante) n'a passé que 7 jours à l'hôpital. De ce fait, la condamnation à la prison à vie intrigue les observateurs qui la jugent trop sévère. Le deuxième élément intriguant est celui du silence des autorités américaines. Dans la correspondance n°14/93, datée du 23 novembre 1993, M.Bara informe Djoudi des démarches effectuées par l'Ondh «auprès des autorités et de certaines organisations humanitaires aux Etats-Unis pour obtenir un rééxamen de son cas». Ces démarches sont restées vaines. Smaïl, le frère de Djoudi, ne perd pas, pour autant, espoir. Il multiplie les démarches. «Nous avons reçu des promesses de la part du ministère des Affaires étrangères, service de la protection des algériens à l'étranger, que le dossier sera ouvert et la sentence revue à 3 ans de prison», soutient-il dans une correspondance adressée au président de la République, en 1999. Seulement, les choses n'ont pas évolué depuis. Smaïl a affirmé, dans son courrier, avoir adressé «une demande de grâce», à l'ancien président américain Bill Clinton, en 1998. «Hélas! je n'ai reçu aucune réponse», regrette-t-il. La déception de Smaïl s'accentue lorsqu'il apprend, à l'Onhd, que le dossier de son frère «est clos».