La vie réserve parfois des surprises, même des juges se retrouvent au banc des accusés «Nous voulons réhabiliter le juge et lui rendre sa dignité», a déclaré M. Nabil Z. Boudji, représentant le collectif des magistrats de la région centre, révoqués arbitrairement, à l'occasion de la rencontre nationale qui s'est tenue, hier à la salle des fêtes Khadidja de Bab Ezzouar. Réunissant une centaine de participants parmi lesquels des avocats, des députés et des représentants d'associations des droits de l'homme, ce rendez-vous des «magistrats bannis», a été mis à profit par les intervenants pour plaider leur cause et sensibiliser l'opinion publique quant aux entraves et difficultés auxquelles doivent faire face, quotidiennement, les magistrats. S'en prenant à l'inspection générale, responsable, selon lui, de cette machination et de cette forfaiture, Maître Bouaïcha indiquera que 237 juges ont été révoqués depuis 2004. Certains ont commis des erreurs manifestes d'appréciation et les assument totalement, mais beaucoup auraient été révoqués ou poussés vers la sortie pour raison politique ou syndicale. Un procédé jugé indigne, qui porte atteinte à l'intégrité du juge et à sa fonction. Le ministère de la Justice est aussi désigné du doigt. Dans son réquisitoire, M. Mohamed Bekhtaoui, ancien magistrat, a critiqué sévèrement la tutelle qui est «le maillon faible des institutions de l'Etat en matière de respect du droit». D'ailleurs, nombre de magistrats révoqués ont insisté sur ce point. «La faute n'est pas de s'être trompé, mais de ne pas reconnaître de s'être trompé», fera remarquer l'un d'eux. Se référant à la Constitution, Mustapha Bouchachi, président de la Laddh, hôte de ce meeting, a indiqué que «la Constitution nous permet de nous défendre en tant que citoyens, mais aussi, en tant que association des magistrats injustement révoqués». Afin de répondre à un intervenant qui s'est interrogé sur la non-application des décisions de justice rendues «au nom du peuple», M.Mustapha Bouchachi a rappelé que «la non-application d'une décision de justice constitue un crime». Parmi les magistrats révoqués, nombreux ceux qui ont été blanchis, mais que le ministère de la Justice refuse de réintégrer. C'est pourquoi, M.Chaâbane Bouzidi, ex-procureur à Skikda en appelle au chef de l'Etat pour «la mise sur pied d'une commission d'enquête indépendante pour faire la lumière sur toutes ces affaires et les étudier cas par cas». En définitive, c'est de réhabilitation qu'ils s'agit, car s'il est vrai que des magistrats ont fauté en commettant des erreurs manifestes d'appréciation, la plupart s'en lavent les mains et exigent réparation. En attendant, ils ont décidé de créer une association dénommée «Association des magistrats révoqués», pour les défendre et faire entendre leur voix.