Le Ramadan est le mois par excellence de la solidarité, la faim rappelle aux uns le malheur des autres. Les restaurants du coeur font désormais partie de notre décor ramadanesque. Ils offrent l'hospitalité aux plus démunis pour 30 nuits. Nous avons choisi de partager le 11e jour de ce mois sacré avec un groupe de jeunes à Belcourt. Lesquels se sont donné rendez -vous pour la deuxième année consécutive au niveau d'une très modeste salle des fêtes, près du Jardin d'essais. L'endroit est reconverti pour la circonstance en un restaurant. «C'est un plaisir de pouvoir aider un tant soit peu des familles dans le besoin. On aurait aimé que cette solidarité dure toute l'année, mais Allah Ghaleb, c'est au- dessus de nos moyens», précise Abderahmane. Animés par une proverbiale générosité, Yazid, Mohamed, Saïd, Malika...et d'autres ne lésinent pas sur les moyens pour assurer un repas chaud aux personnes démunies tout au long de ce mois. Ils sont commerçants, entrepreneurs, étudiants ou même chômeurs, non affiliés à aucune association caritative, même membres du Croissant-Rouge algérien. «La solidarité est un geste spontané, délibéré, c'est très noble comme sentiment», réplique Yazid. Il faut dire que pour ce dernier, cette initiative relève beaucoup plus du devoir que du simple bénévolat, «Nous n'attendons rien en retour, la joie et le sourire des gens sont les meilleures récompenses à nos modestes efforts», témoigne Malika. 13h00 le groupe arrête le plat du jour, composé, outre l'incontournable chorba du ramadan, de dolma , et d'une salade de riz. Un détail a attiré spécialement notre attention, c'est l'absence des femmes dans ce groupe. En effet toutes les tâches sont accomplies par les hommes. Ils cuisinent, servent et s'occupent de la vaisselle. Les tâches sont réparties «selon les compétences». Un groupe s'occupe des courses, un deuxième de la vaisselle. Le travail est chapeauté par deux chefs cuisiniers. Il faut dire que les journées de ces jeunes sont loin d'être une sinécure. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, ou à ce que ces jeunes voudraient nous faire croire, l'objectif est loin d'être acquis d'avance, sachant de prime abord que le financement du restaurant leur incombe, les aides des âmes charitables, citoyens ou associations, sont minimes pour ne pas dire inexistantes. «Le restaurant est financé à 95% par nos cotisations», précise Yazid, le reste est fourni par le marché de Laqiba sis à Belcourt. «Vous n'allez peut-être pas me croire si je vous dis que notre stock est vide», confie Abderrahmane. Son collègue l'interrompe pour revenir à la charge «Rassurez-vous, on se débrouillera quand même». A vrai dire, nous n'avions nullement besoin de cette mise au point, la volonté de ces jeunes se lit sur leur visage, leur dynamisme exprime un désir très grand de venir en aide aux nécessiteux 17h00 les premiers jeûneurs arrivent sur les lieux. Très réservés, ils prennent place dans le calme en attendant le «adan». A 17h 44, c'est la rupture du jeûne. Saïd, Abderahmane, Malika et tout le groupe se contentent d'une bouchée de pain ou encore d'une datte pour rompre le jeûne et continuer à servir leurs «invités de luxe». 18h15 la salle se vide peu à peu, on débarrasse les tables, on fait la vaisselle, on lave le parterre. «Qui a dit que les hommes n'étaient pas doués pour les tâches ménagères?», ironise Malika. Notons enfin que le groupe prévoit d'organiser une circoncision collective à la veille de leylatt El-qadr. Il lance pour l'occasion un appel aux bienfaiteurs afin de concrétiser cet objectif cher aux âmes charitables de Belcourt.