Le mois sacré surprend les Algérois, abasourdis par une épreuve sans précédent, en train de compter leurs morts. Jamais le Ramadan n'a surpris autant les Algériens comme c'est le cas cette année. Mois sacré de jeûne et de piété, le ramadan est survenu, hier, alors que plusieurs centaines de familles pleurent encore leurs morts. De chagrin et de peine, les Algérois plus particulièrement se morfondent sinistrement. Le Ramadan point, comme chaque année, mais, impitoyablement, le nombre des morts n'en finit pas de croître. Des morts emportés, brusquement, par la Faucheuse et des disparus, toujours ensevelis sous les décombres. Ce sont ces centaines, probablement ces milliers de victimes qui partent et que nous pleurons en ce mois de prière. C'est aux familles, surprises par la mort affligeante de leur proches, que nous pensons. C'est également pour tous ceux qui, en un clin d'oeil, sont demeurés sans abri, sans biens, sans passé et - abasourdis - sans présent, que le Ramadan n'a plus de présence. Les familles de l'Algérois ne connaîtront plus ces tables ramadanesques mythiques que les enfants aiment tant observer et que les adultes gardent précieusement dans leur mémoire. Maintes rues, à Bab El Oued et ailleurs, ne vivront plus désormais les soirées traditionnelles où les jeunes du quartier avaient l'habitude de se réunir autour d'une théière, et où ils veillaient, jusqu'à une heure très tardive, dans la joie et la bonne humeur. Si la gaieté n'est point, ce Ramadan sera marqué, en revanche, par la solidarité. La vraie solidarité, car il s'agit-là de partager, effectivement, nécessairement, la douleur des uns et des autres, d'y être véritablement sensible en leur venant en aide, en faisant des dons, en étant présent. L'esprit du Ramadan, ce sera uniquement cela. Ce seront la solidarité et le recueillement qui, ce mois-ci, remplaceront le contentement et l'euphorie. Les actions solidaires sont d'ailleurs de plus en plus nombreuses. Outre des dons généreux, plusieurs familles offrent refuge et nourriture, durant tout le Ramadan, aux foyers sinistrés. Les actions de volontariat sont, également, très nombreuses. Ne sont-ils pas, ces gens de l'Algérois, soucieux de voir ces malheureux qui, hier encore, coulaient des jours heureux, supporter tant bien que mal un malheur aussi ahurissant que cruel? Il reste, maintenant, à souhaiter que cet esprit d'entraide et de solidarité, né d'une telle tragédie, soit transmis aux marchands de légumes et de fruits, que les prix ne s'envolent pas davantage comme les années précédentes et finissent par sanctionner et les pauvres et les accablés. Une attitude qui serait certainement une fausse note en ce mois que les Algériens vivront peinés et tourmentés.