D'habitude réservé et mesuré, M. Ziari a étonné les observateurs en décochant ses flèches à l'endroit d'une institution de la République. «Vous êtes sur la bonne voie, il vous faut maintenant aller faire un sit-in devant le siège du Sénat.» Ces propos ont été tenus par un chef de groupe parlementaire à l'endroit d'une délégation représentant des familles victimes du terrorisme. Ils résument à eux seuls les velléités qui existent entre les représentants composant les deux Chambres du Parlement. Mais, depuis ces dernières semaines, la polémique n'est pas circonscrite aux seules coulisses des deux assemblées. Ce sont maintenant les deux chefs de ces assemblées qui se tiraillent au vu et au su de tout le monde. Et quand entre deux institutions-clés et hautement symboliques, le courant ne passe pas, ce n'est pas un signe de bon augure pour la République. Hier, le président de l'APN, Abdelaziz Ziari, a décoché ses flèches contre le Sénat dans un entretien qu'il a accordé au quotidien arabophone Echourouk. «Il n'est pas normal qu'une assemblée désignée puisse bloquer une loi adoptée par une assemblée élue. Il faut trouver une solution au pouvoir législatif. Je crois que l'existence du Conseil de la nation n'a aucune utilité», a-t-il déclaré. D'habitude réservé et surtout mesuré, M.Ziari a étonné les observateurs avec de pareils propos à l'endroit d'une institution de la République. Pour Abdelaziz Ziari, si le système parlementaire venait à être adopté, cela pourrait être source de danger pour le pays. «Ce système donnera le pouvoir à un Premier ministre désigné par les assemblées élues. Pour les 30 ou 40 ans prochains, le système parlementaire restera dangereux car la carte politique actuelle fera dégager un régime tribal, régionaliste», a-t-il tenté d'expliquer. Il estime que le modèle français du système semi-présidentiel est le mieux adapté pour l'Algérie. «Il n'y a aucun intérêt politique à dissoudre le Parlement. L'application des lois électorales aux partis aurait produit la même représentation avec le FLN et le RND. Il n'y en a pas d'autres. Le changement signifie-t-il le départ du RND et du FLN par une porte et leur retour par une autre?», s'est-il interrogé. Qu'est-ce qui a pu provoquer l'ire de M. Ziari pour le voir se lancer dans cette polémique qui démarre au moment où l'on annonce des «consultation décisives pour l'avenir du pays»? nous dit-on. Dans la forme, le clash entre les deux Chambres a été le fait du nouveau Code communal adopté par l'APN le 24 avril. Or, le bureau de l'APN aurait présenté une copie du même code, différente du texte adopté par les députés de la Chambre basse. Un fait d'une extrême gravité mais qui reste cependant à vérifier. On croit savoir que M.Bensalah aurait saisi alors le président de la République dans un rapport dénonçant ce grave incident. M.Bensalah a informé le Président Bouteflika que le projet du Code communal a été modifié. «La commission juridique de la Chambre basse a intégré un amendement sans se référer à ses membres», a écrit le président du Sénat selon le journal oneline toutsurlagérie qui n'a pas identifié sa source. Il s'en est suivi alors, un branle-bas de combat: M.Ziari renvoie aussitôt le responsable de la commission juridique, Hocine Khaldoune et, voilà la polémique aux relents d'un feuilleton d'été qui commence. Cela dans la forme. Mais dans le fond, les observateurs font une autre lecture de ce clash. Il est en fait, directement lié aux réformes que propose de mener le président de la République. Lesquelles réformes mettent tout simplement, sur la touche, M.Ziari et son assemblée. C'est un véritable affront à l'actuelle assemblée, à son président et au parti majoritaire, le FLN. En revanche, c'est le RND qui s'en sort vainqueur puisque M.Bensalah est membre actif de ce parti. Du coup, les vieux démons se réveillent, à une année des élections législatives qui ne seront qu'un avant-goût de la présidentielle de 2014. C'est à ce niveau qu'il faut situer la quintessence de cette polémique. Reste à confirmer maintenant, si le président du Parlement exprime une position personnelle ou représente-t-il un courant au nom duquel il intervient.