Farid Mahiout vient de publier son deuxième livre en France. Bien que vivant à Tizi Ouzou et travaillant dans la même ville comme chargé de la communication à la Maison de la culture Mouloud-Mammeri, Farid Mahiout a été contraint de se faire publier à l'étranger. Mais pour son prochain livre, Farid Mahiout est décidé à ne le publier qu'en Algérie car, dit-il, les lecteurs auxquels il s'adresse naturellement sont ici et nulle part ailleurs. L'Expression: Vous venez de publier votre deuxième recueil de poésie, toujours chez un éditeur français. Pourquoi avoir opté pour un éditeur étranger? Farid Mahiout: Effecti-vement, j'ai publié mon deuxième recueil de poésie intitulé La nuit de mes souvenirs en 2010, chez les éditions Publibook en France parce que je trouve qu'ils font un sérieux travail d'accompagnement de l'auteur, à travers les différentes étapes de la publication, dès qu'on leur soumet le manuscrit jusqu'à la phase finale de son édition. Ce qui me plaît chez cet éditeur, c'est que l'auteur peut façonner son oeuvre à sa manière. Est-ce qu'on naît poète ou on le devient? J'avoue que c'est une question complexe. Franchement, les prédispositions personnelles et innées sont pour moi insuffisantes pour devenir poète. Et avoir le verbe facile ne signifie pas qu'on est aussi un poète. Je crois qu'il faut les deux à la fois. Mais le poète est cet être sensible qui oeuvre par sa poésie pour une vie juste dans la société dans laquelle il vit. Le poète est cette âme bien née, passionnée qui vit la plupart du temps des situations de dépassement de soi pour servir le monde dans lequel il évolue. En général, en Kabylie, les poètes optent pour la langue amazighe. Pourquoi écrivez-vous en français? L'écriture poétique est un exercice littéraire ardu qui nécessite la maîtrise parfaite de la langue dans laquelle on écrit. Comme certains arrivent à produire aisément des textes poétiques en langue kabyle, laquelle demeure ma langue maternelle et pleine de sens poétique étant donné qu'elle a enfanté de grands bardes et philosophes et amusnaw, je suis vraiment attaché à cette langue dont je suis fière. Cela dit, j'écris la poésie dans la langue française, mais l'âme de cette poésie est purement kabyle. J'essaie d'être fidèle à nos valeurs ancestrales. J'ai écrit des poèmes en tamazight. J'en ai une dizaine. Si on vous demandait de redéfinir la poésie à votre manière, que diriez-vous? Je dirai tout simplement que la poésie est pour moi un moyen d'exprimer en toute liberté avec des mots, des métaphores, des sensations d'une saveur un peu particulière ce que ressent le poète au fond de son coeur. La poésie ne peut exister sans l'émotion et son envie de décrire ce qui nous fascine pour un monde meilleur. La poésie est une peinture qui se sent au lieu de se voir. Parmi les écrivains et les poètes, lequel vous a marqué le plus? Tous les hommes de Lettres du monde entier, exercent sur moi une influence prépondérante. Lire ou écouter une oeuvre poétique, constitue pour moi un moment de joie et de délectation. J'essaie d'analyser les styles et les messages qu'ils veulent transmettre aux lecteurs. Nos poètes kabyles restent pour moi la source d'inspiration comme Matoub Lounès et Lounis Aït Menguellet, ainsi que d'autres poètes comme Nazim Hikmet et Aboukacem Chabbi. Vous écrivez sur plusieurs sujets. Comment choisissez-vous vos thèmes? Je ne choisi pas mes thèmes, j'essaie tout simplement d'exprimer et donner un sens à ce que je ressens à l'intérieur. Les questions cruciales, qui touchent de plein fouet notre société et le monde dans lequel nous vivons, restent pour moi le terrain de prédilection. Je garde pour moi, une certaine liberté et un engagement sans borne pour mon écriture poétique. Ainsi, je peux traiter un sujet banal comme un poème d'amour, social et un thème politique ou historique et philosophique. L'édition de vos poèmes en Algérie, c'est pour quand? Actuellement, je suis préoccupé par le projet de la réédition de mes deux recueils de poésie publiés en France, en un seul livre ici en Algérie que par la publication de mon troisième recueil qui est toujours en chantier. D'après votre expérience, peut-on dire qu'il y a encore un lectorat de la poésie en Algérie? Je ne vous apprends rien, cette problématique du manque de lectorat n'est pas l'apanage seulement de la poésie dans notre pays, mais une question cruciale qui touche la lecture en général. Les Algériens ne lisent pas, il faut le reconnaître. C'est une question globale qui mérite une prise en charge à un très haut niveau. Peut-être à partir de l'école, le débat est complexe. Mais la question qui taraude mon esprit demeure, comment faire aimer aux jeunes le bon goût de la lecture des oeuvres littéraires et de la poésie en particulier.