Cinq grands pays émergents, les membres du groupe Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), se sont élevés mardi contre la mainmise de l'Europe sur le poste de directeur général du Fonds monétaire international, à pourvoir en juin. Ces cinq pays se sont unis autour d'un thème commun: ils demandent l'abandon de «la convention non écrite et obsolète qui prévoit que le dirigeant du FMI soit forcément européen». Cette convention tient depuis 1946, grâce à l'appui des Etats-Unis qui monopolisent la présidence de la Banque mondiale. Elle n'a jamais été aussi vivement critiquée que depuis l'annonce jeudi de la démission de Dominique Strauss-Kahn, poursuivi dans une affaire de tentative de viol et d'agression sexuelle. Les dirigeants européens se sont empressés ces derniers jours de faire l'éloge de celle qui devrait être la candidate du Vieux Continent, la ministre française de l'Economie Christine Lagarde. L'annonce de cette candidature n'était plus qu'une question de jours, sinon d'heures, quand les membres du conseil d'administration représentant les Brics, le Brésilien Paulo Nogueira Batista, le Russe Alexeï Mojine, l'Indien Arvind Virmani, le Chinois Jianxiong He et le Lesothien Moeketsi Majoro, ont publié un communiqué commun transmis à la presse par le FMI. «Nous sommes inquiets des déclarations publiques récemment faites par des responsables européens de haut niveau en vue de maintenir un Européen au poste de directeur général», ont-ils indiqué. «Plusieurs accords internationaux ont appelé à une procédure véritablement transparente, fondée sur le mérite et concurrentielle pour la sélection du directeur général du FMI et d'autres postes haut placés dans l'organigramme des institutions de Bretton Woods», ont-ils rappelé. Derrière leur unité de façade, chacun des cinq «Brics» est dans une position très différente. Le Brésil a fait preuve de la plus grande ambiguïté, son ministre des Finances Guido Mantega se disant vendredi prêt à soutenir sous certaines conditions un Européen, puis déplorant vendredi qu'il n'y ait pas «plus de temps» pour décider. La Russie est membre de la Communauté des Etats indépendants, qui soutient officiellement le Kazakh Grigori Martchenko. Depuis jeudi, Moscou a été discret sur le sujet. L'Inde a gardé le silence sur ses intentions, alors que la presse du pays avait fait état des ambitions du gouvernement d'obtenir le poste. La Chine a envoyé des signaux timides, avec des écrits du Quotidien du Peuple, voix officielle du Parti communiste, en faveur des émergents. Et il serait difficile pour elle de décrocher le poste. L'Afrique du Sud hésite à lancer la candidature de son ancien ministre des Finances, Trevor Manuel, commentée dans la presse. Et sa stature internationale est difficilement comparable à celle de Mme Lagarde. La candidature du Mexicain Agustin Carstens ne paraît non plus à même de rassembler tous ces pays. Pour Daniel Bradlow, un professeur de droit sud-africain spécialiste des institutions internationales à l'American University à Washington, «c'est un signe des temps que cinq administrateurs du FMI publient une déclaration comme celle-là». «Ils ne soutiennent personne, ni ne se mettent d'accord sur un seul candidat, ce qui est malheureux, mais ils ont des mots forts contre l'Europe», a-t-il relevé. Les candidatures sont ouvertes jusqu'au 10 juin, et la décision doitêtre prise d'ici au 30 juin.