La technologie progresse et permet malgré tout des échanges culturels. Alors qu'il faut oeuvrer pour la coe-xistence et l'interconnaissance, en ce début du XXIe siècle dans le monde, le brouillage des frontières médiatiques et le monopole technologique creusent des fossés entre les peuples. La désinformation est grande au sujet de la civilisation musulmane, méconnue, alors qu'elle a participé à l'émergence du monde moderne. Les nouvelles technologies de l'information et de la communication, la logique du marché et le développement d'Internet faciliteront-ils le dialogue des civilisations? Le monde des médias, le quatrième pouvoir, connaît des bouleversements ambivalents. Certains aspects favorisent la connaissance et les progrès, d'autres infantilisent et érigent des murs, au lieu de construire des ponts. L'Occident ne semble pas favorable à l'alliance des civilisations. Cependant, la technologie progresse et permet malgré tout des échanges culturels. Les changements significatifs, pour nombre d'observateurs, sont l'importance de l'Internet. Dans ce contexte, la concentration de groupes de médias entre les mains de cartels politico-financiers qui dictent leur loi est un aspect préoccupant. Nous sommes loin du nouvel ordre international de l'information équilibré, conçu lors des années 70 à l'Unesco. Des chercheurs s'interrogent sur le risque de déclin des médias traditionnels et l'émergence des nouveaux médias monopolisés par les puissants de ce monde. La situation se complique et plus encore pour les pays du Sud relégués au rang de consommateur qui subissent, sans prise réelle sur le fond. Ce monde des médias La question consiste à discerner les avantages et inconvénients, les lignes forces de cette évolution ambivalente. Ils sont relativement néfastes pour l'identité des peuples et la pluralité culturelle, en même temps, ce sont des outils incontournables pour le développement et la liberté d'expression. Les processus de changement dans le paysage médiatique mondial sont liés à la politique hégémonique, en particulier des USA, à la technologie et à l'économie de marché. La mission de contre-pouvoir, censée être celle des médias, s'est amoindrie, malgré la profusion de canaux et d'acteurs de l'information. Les relations internationales ne sont pas démocratiques et le recul du droit à la différence est visible en Occident. La question de la remise en cause de la fonction journalistique comme action médiatrice dans l'espace public se pose. Le brouillage des frontières médiatiques est lié à la fois à l'intégration des médias dans le secteur plus vaste de la communication, où chacun peut produire de l'information, invérifiable, et de par les monopoles des grands networks et autres concepteurs des autoroutes de l'information. Le dialogue des cultures, la recherche du juste et du vrai sont contrariés par cette situation. Les espaces de débats et les entreprises médiatiques de la presse traditionnelle, notamment écrite, connaissent une crise. Les difficultés de la presse se sont aggravées à cause principalement, du recul du droit, de la baisse des revenus publicitaires et du recul de la diffusion. La baisse du lectorat oblige les journaux à des changements éditoriaux et à l'élaboration de nouvelles stratégies économiques qui marginalisent les échanges culturels, même si la presse magazine et les périodiques spécialisés connaissent un certain développement grâce à l'intérêt que portent les lecteurs sur les questions de loisir, de sport, de santé et de culture. Cette situation de crise des médias, des quotidiens et de croissance des TV d'information continue et des magazines a fait évoluer les paysages médiatiques et à obligé les acteurs médiatiques à négocier avec l'ensemble des parties concernées, notamment l'Etat, pour mettre en place des réformes. Sur le plan du marketing, les quotidiens procèdent à une révision régulière de leur maquette et plan publicitaire, sur la base d'études de marché. Le poids de la logique commerciale et des politiques, néocoloniales ou impérialistes, influe sur l'évolution du paysage médiatique mondial et réduit les possibilités de convergence culturelle. Sur le plan du métier du journalisme, on assiste à des nouvelles exigences et définition du professionnalisme. Cependant, la désinformation sur la réalité internationale, le libéralisme sauvage, la recherche de l'audience à tout prix et la dégradation des moeurs dans le monde nivellent par le bas. Les élites et la presse classique sont confrontées à des nouveaux défis et concurrents qui s'imposent dans le paysage médiatique, en particulier l'Internet et la presse écrite gratuite. La connaissance et le respect des autres cultures sont occultés. La gratuité de l'accès à l'information par Internet, la presse écrite gratuite, en plus de la radio et de la télévision, dans le cadre des monopoles, transforment en profondeur le monde des médias confronté à l'impératif économique; ce qui pose des questions éthiques. Des entreprises médiatiques décident de créer elles-mêmes des supports gratuits et accélèrent le processus de concentration des médias. Le média gratuit gagne un électorat, notamment les jeunes et les femmes, environ le tiers des lecteurs, mais la connaissance d'autrui est faible. Donner à penser pour respecter les autres cultures devient rare. La révolution Internet peut-elle corriger cela? Le nombre des internautes ne cesse d'augmenter d'une manière exponentielle et les citoyens du monde sont liés virtuellement. Internet est en train de transformer en profondeur et pour longtemps le paysage médiatique, reste à espérer que cela va réduire les préjugés et permettre le dialogue des cultures. Les réseaux sociaux et l'émergence d'un journalisme de communication de masse par des amateurs n'ont pas démontré que le dialogue est assumé. Le problème pour le monde arabo-musulman réside dans le fait qu'il est ciblé par l'ordre inique mondial comme «nouvel ennemi» et ses faiblesses internes sont amplifiées par les propagandes islamophobes. Cependant, la mondialisation a des aspects ambivalents. De plus en plus, les jeunes, les associations et les entreprises médiatiques investissent dans l'outil Internet en créant des sites avec un accès gratuit à l'information et en cherchant à utiliser tous les nouveaux médias utiles. Les opportunités proposées par Internet produisent une situation d'incertitude, de rapidité et un flot d'informations difficiles à vérifier. Internet pose la question de la fiabilité de l'information, car la facilité d'entrée sur les réseaux favorise les pratiques amateurs, voire les manipulations. La gratuité de l'accès à l'information par Internet Le paysage des entreprises médiatiques se transforme en profondeur par la réorganisation de la presse dans le monde, cela a abouti au renforcement de la présence de grands groupes industriels. Le brouillage des frontières médiatiques se caractérise par la distinction entre supports de grands groupes multimédias et entités de communications traditionnelles. Le déséquilibre entre le Nord et le Sud reste important, malgré la multiplication des supports. Les années 2000 sont marquées par l'accélération de la mondialisation, la réorganisation des importants groupes de médias dans les pays développés et l'influence des nouveaux médias dans la vie politique, économique et culturelle, ce qui profite surtout aux plus riches et aux ingérences, même si des groupes défavorisés ou mouvements sociaux s'appuient sur ces nouveaux vecteurs d'expression. La concentration industrielle des médias risque de s'amplifier, ce qui portera encore plus préjudice à la démocratie en relations internationales et au dialogue des civilisations. Cela soulève les questions du pluralisme du système médiatique. Des investisseurs étrangers interviennent partout pour acheter des supports médiatiques. De nombreux quotidiens, radios et télévisions ont changé de propriétaire ces dix dernières années, avec des logiques de monopole. Le poids de la logique commerciale et celui de vouloir imposer une forme hybride d'occidentalisation influent sur le paysage médiatique. Dans le Monde arabe, les chaînes d'information continue imitent CNN, mettent l'accent sur l'alarmisme, les positions extrêmes et ne participent pas à la défense des intérêts nationaux et à la présentation intelligente des valeurs de la civilisation musulmane. Les chaînes satellitaires arabes, faute de contexte d'ouverture et vu l'insuffisance des compétences, sont souvent limitées à des discours traditionalistes dépassés ou pire, imitent la société de consommation. Nous assistons à un choc des ignorances et une crise de civilisation. La révolution Internet est en train de s'imposer, mais la question de la mémoire, de connaître son propre patrimoine et celui de l'humanité se pose. Un habitant sur cinq dans le monde est aujourd'hui connecté, un sur deux dans le monde développé économiquement et émergent et un sur dix dans le reste de la planète. L'ignorance n'a pas vraiment reculé. Le paysage des entreprises médiatiques est transformé par la dictature du marché et les interférences hégémoniques. Le renforcement des monopoles technologiques et des grands groupes industriels bouleversent le paysage. Cela pose le problème du pluralisme dans le système médiatique international. De plus en plus de capitalistes achètent des groupes de presse. Cette concentration du pouvoir médiatique entre les mains d'hommes d'affaires liés au politique pose des problèmes d'équité et d'indépendance. L'imbrication des médias et de la politique caractérise de plus en plus le paysage des entreprises médiatiques dans le monde. Internet est certainement le média de l'avenir, mais ses propriétaires et concepteurs détenteurs influent sur nombre d'événements. Cet outil n'est pas neutre. Le paysage des médias dans le monde connaît une accélération préoccupante de l'Histoire, car la technologie progresse vite et la mondialisation à sens unique uniformise, nivelle, agresse et se développe sur cette base. Cela brouille les frontières entre des domaines d'activités différentes et porte atteinte au droit à la différence et au dialogue des civilisations. L'imbrication des médias de l'industrie et de la politique et le monopole occidental, notamment américain, marquent le paysage de l'information et de la communication dans le monde. Ces domaines, en particulier l'Internet, vont de plus en plus influer sur la vie des sociétés et partant, sur des enjeux de civilisation. Les pays du Sud, notamment arabo-musulmans, doivent en prendre la mesure et investir en priorité, en termes stratégiques et qualitatifs, dans les domaines des nouveaux médias et des télévisions satellitaires. Encore une fois, priorité urgente à l'éducation et à la formation pour maîtriser ces incontournables outils et faire connaître et défendre par la créativité les valeurs des civilisations spécifiques. (*) Professeur des Universités www.mustapha-cherif