Quarante-cinq ans représentent une goutte d´eau dans l´histoire d´un pays, alors que cette période s´apprécie, à hauteur d´homme, comme une étape importante de l´expérience humaine d´une nation. Si l´Algérie est historiquement vieille et cumule plusieurs pratiques civilisationnelles, elle reste jeune au plan de l´expérience politique et sociale. Car, l´Algérie indépendante à 45 ans a juste l´âge de l´homme mûr, suffisant cependant pour faire un retour sur soi. Aussi, l´Algérie qui célèbre l´anniversaire du 5 Juillet en 2007, n´est plus celle qui a fêté l´indépendance ce même jour en 1962. Les Algériens de l´indépendance ont vieilli, remplacés par la nouvelle génération qui, hélas, connaît peu ou prou, l´histoire de cette patrie pourtant plusieurs fois millénaire. Aussi, au-delà des commémorations et festivités autour de cet événement exceptionnel, le temps est-il maintenant venu de laisser aux historiens - les grands absents ces dernières décennies dans la prise en charge de ces moments cruciaux de notre vécu historique récent - restituer aux jeunes générations cette phase décisive de notre mémoire collective. En effet, l´Histoire du Mouvement national en général et de la guerre de Libération en particulier, phagocytée par des «écrivains autoproclamés de l´histoire nationale», ne peut plus en effet être laissée plus longtemps aux mains d´amateurs dont ce n´est à l´évidence pas la fonction. Longtemps sous monopole du parti unique, puis de la «famille révolutionnaire» qui ont fait de l´écriture de l´Histoire de la Révolution de Novembre un domaine «exclusif», l´Histoire de l´Algérie avant et après l´indépendance doit enfin redevenir le champ d´expression des seuls historiens, loin de toute manipulation politicienne, comme cela a été le cas depuis juillet 1962 avec une première falsification, celle de la date de l´indépendance. La France, ancien colonisateur, a reconnu la souveraineté de l´Algérie le 3 juillet 1962, après le référendum du 1er Juillet comme en attestent les documents d´époque. Certes, le 5 Juillet rappelait un souvenir douloureux, celui de la chute du Dey d´Alger en 1830. Or, faire coïncider cette indépendance avec la journée néfaste subie 132 ans plus tôt par l´Algérie n´efface pas pour autant ce fait d´Histoire. Aussi, ce décalage ne peut ni expliquer, ni changer cette étape douloureuse du vécu algérien déjà consigné par l´Histoire. Ceci pour dire qu´il est temps aujourd´hui de revenir à l´orthodoxie en laissant les historiens faire leur travail par la mise, surtout et aussi, à leur disposition de tous documents et/ou archives qui peuvent les aider à formaliser l´écriture du Mouvement national et de la guerre de Libération. Or, durant ces quarante-cinq dernières années, une chape de plomb s´est abattue sur les faits qui ont donné aux Algériens de recouvrer leur souveraineté. L´Histoire, qui devait enseigner aux Algériens ce qu´ont été les luttes du peuple algérien tout au long des siècles pour conserver son identité, quels ont été leurs héros, a été phagocytée par l´histoire ´´officielle´´ de laquelle, par une sélection drastique, a été éliminé tout ce qui n´entrait pas dans les normes édictées par les nouveaux parrains du pays, jusqu´à dénier aux Algériens d´écrire l´Histoire de ce pays en dehors des cercles officiels et autorisés. Aussi, au moment où l´Algérie célèbre le 45e anniversaire de son indépendance, peut-on formuler l´espoir que le pays a sans doute atteint l´âge de la maturité qui lui donne les capacités de regarder en arrière pour mesurer le chemin parcouru?