Le Gspc passe pour le plus avisé des groupes armés pour créer et profiter des zones-crise. Une véritable course contre la montre a été engagée en Kabylie depuis la fin de l'été, où les forces de l'ordre et les hommes de Hattab se rendent coup pour coup. En moins d'une semaine, le Gspc a perpétré quatre attentats quasi spectaculaires faisant une quinzaine de morts dans les rangs des militaires et des policiers, en plus des opérations de racket qu'il pratique en plein jour sur les axes routiers de Boghni, Draâ El-Mizan, Draâ Ben Khedda et les régions suburbaines de la Kabylie. Rien, absolument rien, ne préfigurait un redéploiement de cette ampleur pour le Gspc. Les ratissages militaires à Mizrana et surtout à Sidi Ali Bounab (deux des quatre fiefs de prédilection de Hassan Hattab, avec Takhoukht et Boumehni) avaient fait naître l'espoir de voir cette tentaculaire organisation disparaître sous la poussée des militaires qui, peu à peu, grignotaient les anciens sanctuaires terroristes. Cette illusion a été maintenue jusqu'à la fin des ratissages menés, toute artillerie dehors, à Tizi Ouzou, dans le massif central du Djurdjura et dans les régions montagneuses de Tikjda, de Haïzer, et à Bouira. Ce à quoi nous assistons aujourd'hui, c'est à une effrayante poussée terroriste, et qui touche en premier lieu, et presque exclusivement des militaires et des policiers. Organisation armée, résolument tournée vers la guerre contre tous ceux qui portent le képi, «phénomène médiatique», adepte de la symbiose et des «réseaux Fomec» le Gspc a tout d'un groupe armé qui sait profiter des zones-crise pour se créer des appuis forts et tisser des toiles tous azimuts. Depuis le «coup de force» du 5 mai dernier, le Gspc ne cesse de porter des coups avant de disparaître dans la nature. Ce jour-là, 15 militaires ont été tués dans un guet-apens à Tala Mimoun, près de Mazer, en Grande-Kabylie, 7 autres ont été enlevés et un important lot d'armes volé. Pratiquement et durant tous les onze mois de cette année qui s'achève, le Gspc s'en est pris aux policiers, aux militaires et aux gardes communaux. Pas un jour ne s'est passé sans que les hommes de Hattab fassent des démonstrations de force, en plein jour ou à la tombée de la nuit, dans les débits de boissons, les grands hôtels, sur les routes, par le racket sur les automobilistes, la dîme imposée sur les récoltes et l'assassinat des représentants de l'Etat. Il y eut des attaques «quasi médiatiques», telles celles perpétrées contre la Bmpj de Baghlia, attaque au heb-heb et qui avait fait le 23 février dernier deux morts et quatre blessés, dont deux dans un état grave. Du matériel médical avait été volé des secteurs sanitaires et des hôpitaux entiers ont été mis à sac en pleine nuit, (celui d'Azzazga, par exemple) et le matériel acheminé vers des hôpitaux de campagne et des casemates aménagées. Avant l'été, l'incursion de trois terroristes dans une université de Blida, en vue de s'approprier du matériel informatique, et la présence inquiétante de trois terroristes en plein centre d'Alger (neutralisés, plus tard) laissaient les observateurs perplexes. Entre-temps, le commandement du Gspc dépêchait des émissaires à l'Ouest et au Centre afin de concocter des alliances avec le Gspc de Saouane, les Houmat ed-Daâwa es salafiya de Benslim et certainement aussi avec la dernière-née des organisations armées, le GSC, la Djamaâ salafiya moukatila. Les 7 morts et 12 blessés d'avant-hier ont été un autre coup médiatique réussi par le Gspc qui a su profiter au maximum de la crise en Kabylie. La rupture des ponts entre le pouvoir et les citoyens a créé une sorte de no man's land kabyle, où le Gspc se meut avec aisance dans ses zones de turbulences «en continu». Les zones de turbulences créées depuis avril 2001 ont engendré un résultat, qui a, en fait, sanctionné une lutte de clans: la neutralisation des services de sécurité. Si la gendarmerie a évacué les lieux, la police, ne fait pas plus que de surveiller les édifices publics, laissant la cité plongée dans un non-Etat. Ce retrait des forces de sécurité a aussi généré une absence juridique et sécuritaire, dont les premiers à profiter sont les réseaux urbains du Gspc.Celui-ci, dans un communiqué largement diffusé fin 2001, fait siennes les revendications de la Kabylie tout en essayant d'inscrire dans «un même combat, les deux luttes communes». Ne pratiquant ni le rapt de femmes ni (théoriquement) l'assassinat de civils, le Gspc a élaboré en Kabylie une «stratégie de symbiose», dont les effets les plus visibles sont une impossibilité pour les services de sécurité en Kabylie de savoir où finit la contestation et où commence le terrorisme.