Des salles de classe qui se transforment en salles des fêtes. Des cours de récréation en parkings publics. On aura tout vu, tout entendu. Mêmes nos écoles ne sont pas épargnées par la vertigineuse régression qui étreint avec force notre pays. Ceux des Algériens qui étaient à l´écoute de la radio «Al Bahdja» hier à la mi-journée, ont dû être abasourdis d´entendre l´auditeur d´El-Madania, un quartier sur les hauteurs de la capitale, dénoncer cet usage inimaginable de l´école. Ils auront été encore plus «sonnés» devant la réponse du président de ladite commune qui, tout en reconnaissant le fait, a tenté d´en expliquer l´existence par «le manque d´espace» avant de déclarer, sur insistance de l´animatrice, que «des mesures seront prises». Le tout est dit, par le premier responsable de la commune, avec détachement et sans paraître particulièrement offusqué. Alors qu´il s´agit là, ni plus ni moins, d´une nouvelle forme de criminalité. Une criminalité dont les effets ne seront visibles que sur les futures générations. Quel type d´hommes et de femmes de telles écoles préparent-elles pour demain? Et pourquoi? Simplement pour de l´argent ou pour un projet de société mûrement élaboré dans des officines secrètes? Il n´est pas excessif d´affirmer qu´il y a des deux. Qu´il y a une convergence d´intérêts entre les concepteurs de notre descente aux enfers et l´épidémie de cupidité qui s´étend dangereusement au niveau de toutes les couches de la population. Une criminalité «silencieuse» à portée différée. Chacun sait que le modèle et la référence sur lesquels un élève calque sa conduite future sont son maître ou sa maîtresse d´école, son directeur ou sa directrice d´école. En admettant que les parents tentent de faire contrepoids, ils ne réussiront que rarement à faire pencher la balance. On savait que des enseignants croquaient leurs sandwiches en classe. Ou se servaient de leurs portables sans gêne devant le regard innocent des enfants dont ils ont la charge. On savait l´odieux chantage qu´exerçaient certains d´entre eux sur les enfants quand ils demandent à chacun de ramener des produits alimentaires. Motif avancé: la leçon de choses. Sauf que lorsque trente élèves rentrent en classe avec autant d´oeufs et qu´un seul suffira à la leçon, les 29 autres iront dans la cuisine de l´enseignant. Les enfants le savent et c´est ce qui rend l´acte criminel car beaucoup sinon tous reproduiront plus tard ce schéma. Mais où allons-nous avec une telle éducation? Vers quoi veut-on mener notre pays? C´est bien de s´intéresser au contenu du livre scolaire. Au programme. Aux examens. Tout cela est même très bien. Mais laisser dans le même temps, l´oeuf, le maquillage, le portable, le parking, la salle des fêtes envahir l´école relève au mieux d´une inadmissible inconscience, au pire d´une coupable et profonde atteinte aux fondements de notre société.