Les Marocains ont rebondi sur la question des frontières en marge du Forum économique qu´accueillait ce week-end, la ville de Tanger, pour évoquer à nouveau un dossier qui, décidément, fait perdre le sommeil aux responsables politiques chérifiens. Bien sût que les Maghrébins ont échoué, mais qu´est-ce que les frontières ont à voir avec le devenir de l´Union pour la Méditerranée, thème de la réunion de Tanger? Il est évident que l´Union du Maghreb (UMA) aura été un immense gâchis, dont personne, en vérité, ne sort indemne ni ne mesure la portée pour les générations maghrébines futures. Mais à qui la faute? Si l´Union du Maghreb n´a pu aller plus loin que les intentions des uns, les ambitions des autres, c´est bien le fait des responsables marocains qui ont imprudemment lié la construction de cet ensemble maghrébin à une question - la décolonisation du Sahara occidental - prise en charge par le Conseil de sécurité de l´ONU depuis plus de trois décennies. L´histoire retiendra particulièrement le fait que c´est Rabat, par son Premier ministre de l´époque, Abellatif Filali, qui demanda, en novembre 1994, au président tunisien, Zine El Abidine Ben Ali - qui assurait la présidence tournante de l´UMA - de «geler l´action» de cette institution. Ce qui veut dire que, créée en 1988, l´UMA est, depuis 18 ans, politiquement inactive et, bien sûr, économiquement un voeu pieux. Depuis, l´Union fait du surplace et aucune des décisions prises dans le sillage de sa fondation - comme la création du Marché commun maghrébin ou la mise en oeuvre de zones franches - n´a jamais abouti ni connu un début de réalisation. Et la question des frontières, fermées depuis août 1994, est l´une des retombées de la volonté du Maroc de faire plier l´Algérie à ses desiderata sur le dossier sahraoui. Les représailles contre les citoyens algériens résidant au Maroc, victimes d´une chasse à l´homme, après l´attentat contre l´hôtel Asni à Marrakech, les accusations infondées contre les services algériens, d´être derrière cet acte terroriste, sont autant de faits provoqués par Rabat qui annihila, par ailleurs, tous les efforts de mise sur pied des instances de l´UMA. L´histoire témoigne également que tous les Sommets de l´Union du Maghreb ont avorté parce que, systématiquement, boycottés par le souverain chérifien, Mohammed VI. Si le Maghreb n´a pas décollé, il faut en chercher les causes ailleurs que dans la fermeture des frontières qui, certes, handicape en premier lieu le Maroc. Lorsque le chef de la diplomatie marocaine, Taïeb Fassi-Fihri, lie le devenir de l´UPM à la fermeture des frontières entre son pays et l´Algérie, il fait tout faux. En effet, au plan commercial et économique le Maghreb, un demi-siècle après les indépendances, n´existe tout simplement pas, lorsque les échanges entre les cinq Etats de l´UMA arrivent difficilement à atteindre le taux de 2%, le plus faible enregistré dans le monde entre des ensembles régionaux. Si le Grand Maghreb a avorté et est demeuré un rêve lointain c´est dû essentiellement aux ambitions expansionnistes du Maroc - qui a privilégié ses intérêts de grandeur - au détriment de la construction d´un Maghreb uni et fort (où les frontières auraient été abolies par la dynamique même du développement ainsi induit), de la paix et de la sécurité en Afrique du Nord. Aujourd´hui c´est le Maghreb qui a échoué et le Maroc, plus singulièrement, en porte la responsabilité par ses prétentions sur un territoire, le Sahara occidental, dont aucun document n´est venu, à ce jour, étayer l´appartenance au Royaume chérifien.