En programmant l´autosuffisance alimentaire comme thème principal de son XIIIe sommet, l´Union africaine semble enfin décidée à se dépêtrer du carcan de conflits qui, au long de ces décennies, ont constitué un obstacle quasi insurmontable, pénalisant grandement le développement du continent. Empêtrée dans des problèmes politiques et de pouvoir insolubles, l´Afrique a totalement délaissé le développement de son agriculture, seul à même d´assurer la sécurité alimentaire de ses populations. Cinquante ans après les indépendances des pays africains, peu, pour ne point dire rien, n´a été fait pour dynamiser et revivifier un secteur, celui de l´agriculture, vital pour les centaines de millions d´Africains, outre de conforter la souveraineté d´Etats africains en mal de gouvernance. Il fallut donc attendre près de 50 ans pour enfin voir ce secteur stratégique pris en charge par les dirigeants africains. Il était temps? On n´en est pas tellement sûr face au gâchis qu´a été la production agricole africaine alors que le continent noir pouvait largement subvenir à ses besoins et même envisager l´exportation de céréales et produits maraîchers quand aujourd´hui, nombreux sont les pays africains qui dépendent largement, quand ce n´est pas totalement, de l´importation de tout ce qu´ils consomment. Ce qui n´est pas normal, car cette dépendance alimentaire de l´étranger constitue un handicap pénalisant pour l´Afrique et un échec irréfragable pour les dirigeants africains qui n´ont su ni construire un secteur agricole puissant, ni su prévoir les lendemains difficiles qu´ils préparaient à leurs peuples, tout préoccupés, qu´ils étaient, par les luttes de pouvoir. Luttes qui ont induit une fracture immense qui a marginalisé l´Afrique, seul continent qui n´a pas su faire fructifier les énormes richesses dont disposent ses sols et sous-sols, exploités à outrance par les nouveaux prédateurs que sont les sociétés qui ont remplacé les colons et ont fait main basse sur les richesses du continent, y compris ses richesses agricoles, mises sous embargo afin de «fourguer» à l´Afrique les surplus agroalimentaires de l´Occident. A Syrte, on aborde sur le tard un thème récurrent, celui de l´agriculture et de l´agroalimentaire, qui aurait dû mobiliser, dès les indépendances, tous les efforts et forces dont disposait le continent noir pour lui garder ses chances d´autosuffisance, dans un domaine qui, en réalité, n´est pas négociable. Alors que notre continent renferme les populations les plus pauvres de la planète, est-il encore temps de se demander comment nous en sommes arrivés à ces extrémités, lorsque les dirigeants africains ne craignent pas de s´afficher et d´afficher leur opulence, face à leurs peuples vivotant à la limite de la pauvreté? Dès les années 60, René Dumont prophétisait déjà le mauvais départ du continent noir. Les faits lui donnent aujourd´hui raison face à la paupérisation avancée d´une grande majorité des populations africaines. Un sommet, aussi déterminé soit-il, peut-il résoudre (en une session) une question agricole laissée en jachère durant des décennies? On en doute lorsque les questions de pouvoir - comme le montrent le débat autour de la création de l´Autorité de l´Union africaine, les guerres fratricides en Somalie et ailleurs, les crises politiques dans de nombreux autres pays africains - continuent d´accaparer l´essentiel des forces de dirigeants africains plus promptes à assurer leur survie politique que de garantir une alimentation saine pour chaque Africain. On ne peut que regretter que la maturité ne soit pas encore le lien le mieux partagé de l´Afrique, surtout lorsque de nombreux peuples de notre continent sont, en 2009, menacés par la famine.