Force est donc restée à la loi avec le retour des enseignants dans les classes de leurs écoles. Les cours ont repris hier et dimanche, ou reprendront, pour les retardataires, dans les heures à venir. Mais à quel prix? Certes, force est restée à la loi et les enseignants se sont soumis à l´injonction de la justice, qui a qualifié la grève d´illégale. Mais le fond du contentieux opposant les enseignants au ministère de l´Education nationale demeure en l´état, sans qu´il y ait eu d´avancées notables dans un conflit qui perdure, cependant, depuis des années. La fin de la grève est, en vérité, une victoire à la Pyrrhus qui pourrait avoir des conséquences dommageables sur l´Ecole algérienne. C´est aussi, sans doute surtout, un échec consommé de l´Administration de l´Education nationale, autant incapable d´écouter les doléances des grévistes que de faire des propositions significatives pour sortir de l´impasse. De fait, le recours à la justice pour casser le mouvement de grève des maîtres et des maîtresses des écoles et des lycées d´Algérie, autant qu´il confirme l´échec de la tutelle, conforte en fait le bien-fondé des revendications des syndicats, comme en témoignent les arrêts de cours suivis par près de 90% du corps enseignant. Le ministère de l´Education nationale a certes obtenu un répit, mais le problème posé par la grève des enseignants demeure entier, toujours en attente d´une issue qui ne pénalise pas les milliers d´enseignants, contraints de reprendre les cours. Aussi, la question qui se pose est de savoir dans quel état moral et psychologique vont se trouver les dizaines de milliers d´enseignants dont les sacrifices auront été vains, outre le fait de voir leurs bulletins de paie affichés sur la place publique, qui a été ressenti comme une humiliation. Ce qui semble avoir fait déborder le vase et consommé la rupture entre la tutelle et les syndicats. Il n´y aura sans doute pas d´année blanche, tant redoutée par les parents d´élèves. Mais il est patent que quelque part le ressort s´est cassé et rien n´indique que le coeur y serait pour les enseignants, d´autant que leur retour dans les classes s´est effectué dans des conditions peu glorieuses. Déjà que maîtres et maîtresses se plaignaient du manque de respect de leurs élèves, qu´en serait-il maintenant que les premiers cités se sont vus forcés de revenir à l´école la tête basse? Dès lors, d´aucuns de se demander si la tutelle a bien pris la bonne décision en faisant revenir les enseignants à leurs cours par la force de la loi. Et puis pourquoi avoir attendu la fin du deuxième trimestre scolaire - celui qui décidera des résultats des élèves, singulièrement ceux qui auront des examens de fin d´année à passer - pour employer la manière «forte», alors que de promesses en promesses non tenues, la tutelle n´est pas en vérité exempte d´erreurs de stratégie. Il s´agit de l´avenir de nos enfants, de millions d´enfants, de la fiabilité de notre enseignement, du devenir d´une Ecole algérienne qualifiée, à raison, de sinistrée. Les torts ne se trouvent pas toujours là où on le suppose et le dialogue sincère exempt de toute rhétorique ou grandiloquence est plus que jamais nécessaire pour remettre l´Ecole algérienne sur le bon chemin. Et cette remise des choses à l´endroit ne peut se faire sans ceux-là mêmes qui constituent le creuset du savoir et de la connaissance: les enseignants, quel que soit le palier dans lequel ils professent. La menace du bâton ne fera jamais et ne créera en aucun cas le bon enseignant. En revanche, la mise en place des conditions humaines, matérielles et sociales reste la condition sine qua non d´un enseignement de haute qualité permettant l´émergence d´une Ecole algérienne qui réponde aux demandes de développement du pays. Ce qu´il serait vain d´espérer obtenir par l´exercice de l´autoritarisme et de l´autisme.