Inévitable, la corruption? C´est du moins l´affirmation d´un ministre de la République, M.Temmar, pour ne point le nommer, lors d´une déclaration, il y a quelques jours, à un quotidien national, tentant de minimiser ce phénomène. Avant lui, M.Khelil, en charge du secteur de l´énergie, affirmait qu´il ne «savait rien» et n´a pas eu «à voir» avec l´affaire Sonatrach indiquant: «Je ne suis pas partant, car je ne suis pas coupable.» Déjà les grands mots! Ainsi, de hauts commis de l´Etat estiment la corruption «inévitable», pour l´un, alors que l´autre affirme «n´en rien savoir». Or, ce qui devait, aurait dû, demeurer l´exception, est devenu la règle en Algérie. Tout, absolument tout, se monnaye en Algérie lorsque la corruption - en l´absence de règles ou de la non- application de ces règles en l´occurrence - est devenue le chemin le plus direct, sinon le plus court, pour s´enrichir. Comment peut-on, dans la haute hiérarchie de l´Etat, ne pas le savoir? Si la corruption a atteint une telle ampleur et que cette gangrène ronge les plus grandes sociétés et entreprises du pays - «notre image emblématique» - c´est que, quelque part, il y a des choses bien pourries. Aujourd´hui, ce n´est pas seulement la réputation de l´Algérie qui prend un mauvais coup, c´est la stabilité même du pays qui est remise en cause. La corruption n´est sans doute pas une chose nouvelle, mais reste, devait rester marginale. Cela reste illégal, mais la «tchipa» existe, il faut donc faire avec, mais certes pas au détriment de l´économie du pays. Elle est universelle, sûrement, mais doit rester justement à un niveau limité qui la rende gérable. Ce n´est plus le cas, quand les malversations, les passe-droits et autres «tchipa» deviennent les «normes» les mieux partagées. Quand des entreprises, vitrine de l´économie et de industrie de l´Algérie, comme Sonatrach et le Port d´Alger, des grands chantiers telles l´autoroute Est-Ouest et les grandes infrastructures - qui confirment l´aisance financière du pays -, des secteurs névralgiques tels que les banques, les transports, les mines, la pêche...(il est certes impossible de donner ici le listing de tous les scandales financiers qui ont défrayé la chronique, ces deux dernières années) sont touchés de plein fouet par la corruption et que leurs staffs dirigeants croupissent dans les prisons, voilà tout de même une chose qui, outre d´être préjudiciable pour l´image du pays, pose nombre d´interrogations. Cela n´aurait jamais dû arriver si chacun avait joué correctement son rôle à son niveau de responsabilité. Un cas, deux cas sensibles, cela peut être une exception, du moment que le fruit demeure sain. Peut-on être aussi affirmatif maintenant avec l´éclatement de la nouvelle affaire de corruption ayant pour acteurs les gestionnaires du plus grand port commercial algérien, le port d´Alger? Des dizaines de sociétés, de chantiers de grands travaux ont ainsi été gangrenés par l´argent facile au grand dam de l´Algérie. Mais ce qui fait le plus de tort au pays, c´est encore ce pesant silence, jusqu´à devenir incompréhensible, des partis politiques, de la «société» civile, des membres du gouvernement qui n´ont pas, jusqu´ici, estimé devoir réagir à cette plaie qui frappe l´Algérie: la corruption. N´est-ce pas leur rôle de monter au créneau lorsque la République est en danger? N´est-ce pas le rôle des «députés» d´interpeller les gouvernants et leur demander ce qu´il font ou comptent faire pour mettre un terme aux scandales récurrents de cette gangrène? Où est la société civile censée être le porte-parole des «sans-voix»? En fait, beaucoup de questionnements entourent ces affaires, avec peu de réponses en perspective. M.Temmar dit aussi, qu´il «faut nettoyer». Certes, oui! Mais quand? Comment? Alors que le temps presse, que le vase a largement débordé. De fait, il n´est plus possible de feindre qu´il n´y a pas le feu à la maison. Aussi, est-il grand temps d´agir.