Ne vous fiez pas à cette introduction. Elle sert juste à «planter le décor». Au coeur de ces lignes se trouve un point d´intérêt national qui n´a jamais été abordé. Ceci étant dit, aujourd´hui nous sommes le 11 décembre. Il y a 50 ans les Algériens ont manifesté leur attachement à l´indépendance de leur pays. Sur plusieurs points du territoire, ils étaient des centaines de milliers à avoir «accueilli» la tournée en Algérie du chef de l´Etat français de l´époque, Charles de Gaulle. La réponse de l´occupant fut meurtrière. Des centaines de morts et de nombreux blessés. Des femmes, des enfants, des vieillards. Que des civils sans défense. Le 11 décembre n´est pourtant qu´une des pages de notre histoire sous le joug colonialiste. Il y en eut d´autres. Beaucoup d´autres de 1830 à 1962. Inutile de prétendre écrire, ici, toute cette histoire sanglante. Comme il est tout aussi inutile de s´époumoner, une fois encore, à réclamer l´écriture de notre histoire. Nous l´avons fait si souvent sans résultat qu´on en arrive à se persuader qu´en fait «on prêche dans le désert». S´il est si difficile d´arrêter un plan, une orientation, d´adopter la part de l´essentiel pour démarrer les travaux de cette écriture si essentielle à la construction de la personnalité des Algériens, il y a des actions périphériques d´une aussi grande portée et de très haute valeur pédagogique qu´il est condamnable de n´avoir jamais pensé à entreprendre depuis 48 ans que nous sommes indépendants. Il s´agit simplement de ces hauts lieux de notre mémoire laissés en «jachère» par tous les responsables qui se sont succédé. Prenons seulement le cas des grottes où le corps expéditionnaire français a enfumé et emmuré des centaines et des milliers d´Algériens. Des centaines et des milliers de nos ascendants sans défense ont péri dans d´atroces conditions en croyant se réfugier dans ce qui était en réalité un piège qui s´est refermé sur eux. Dans notre dernière édition, nous avoins rapporté les témoignages sadiques des officiers français et ceux, plus humains, de quelques-uns de leurs hommes de troupes. Des témoignages qui comportent tous les éléments (lieux, composantes des victimes, méthodes, description de l´enfer, etc.) pour reconstituer ces premières chambres à gaz dont les nazis se sont inspirés bien des décennies plus tard. Malgré toute cette facilité de travail, aucune de ces grottes n´a fait l´objet de la moindre attention des responsables du secteur de la culture. Rien n´a été fait pour les rendre accessibles au public. On ne pourra jamais mesurer l´intérêt mémoriel que pourront retirer nos écoliers en particulier et le public en général, si des visites guidées étaient organisées dans ces grottes de l´horreur. Plus que tous les livres d´histoire que nous n´avons pas, de toute manière, encore mis au point. Comment expliquer de tels manquements? Comment admettre que l´histoire des camps d´Auschwitz situés en Pologne soient plus connus par les Algériens que celle des grottes du Dahra? Que leur propre histoire? Là où furent, il n´y a pas si longtemps, exterminés en masse nos arrière-grands-parents? Des lieux de mémoire à ouvrir à peu de frais et qui, pourtant, renferment une richesse infinie. Il ne manque plus que la volonté politique. Bien que celle-ci figure dans le dernier amendement de la Constitution, il suffit juste d´un rappel ferme et suffisamment audible. Juste assez pour convaincre nos fonctionnaires de quitter, un temps, leurs bureaux poussiéreux et s´en aller respirer l´air vivifiant de nos montagnes. En plus clair, de se bouger pour ouvrir les grottes de l´horreur!