«Où sont donc les islamistes?» s´interrogeaient sur les chaînes satellitaires les «experts» occidentaux du Monde arabe, après les bouleversements géostratégiques induits par les révolutions populaires au Maghreb et au Machrek avec, à la clé, la chute de deux despotes, en Tunisie et en Egypte, alors que d´autres tyrans arabes se trouvent au bord du gouffre. On savait les analyses des «spécialistes» du Monde arabe biaisées car formatées selon des idées préconçues, très souvent fausses, sur le Monde arabe, qui estiment - une fois pour toutes? - que cette région du monde n´aurait, selon eux, droit qu´au choix entre la peste et le choléra: un pouvoir conservateur rétrograde ou islamiste. Il n´existerait donc pas pour le Monde arabe de juste milieu qui laisserait une petite place à d´autres forces politiques autrement que conservatrices ou islamistes. Et ces «experts» autoproclamés de s´étonner que ces révoltes contre les pouvoirs arabes établis ne soient pas conduites par les islamistes. Ce qui démontre que ces «spécialistes» qui parlent doctement du Monde arabe, n´ont jamais rien compris aux contrées arabes, certes anesthésiées par le fardeau de l´oppression imposée par des despotes encouragés, quand ils ne sont pas protégés, par la puissance occidentale (cf, le wahhabisme saoudien, l´un des vecteurs les plus obscurantistes de l´Islam sunnite - qui essaime dans le monde - était (est) donné en exemple par les Etats-Unis, prêts, par ailleurs, à reconnaître un gouvernement islamiste en Algérie, en 1992, alors que des «experts» voyaient, l´effondrement «imminent» du gouvernement légal algérien). «Où sont les islamistes», se demande-t-on donc, alors que ceux-ci n´ont jamais contesté les pouvoirs despotiques, leur reprochant plutôt leur mollesse envers leurs peuples, ni n´ont été à l´avant-garde des revendications pour les libertés citoyennes. Bien au contraire! Il savent, en revanche, recueillir le fruit mûr et tirer les marrons du feu. Ce qu´a fait, notamment, le FIS dissous en Algérie, qui a récupéré la révolte populaire du 5 Octobre 1988. Ce qu´ont, tout récemment, fait les Frères musulmans égyptiens, après la chute de Hosni Moubarak, qui étaient prêts à coopérer avec ce qui restait de son régime. Mais l´islamisme est surtout devenu un épouvantail, qu´agitent, autant par les Occidentaux - dès lors qu´il ne sert plus certains intérêts - qui mettent en avant son supposé fanatisme, savamment entretenu par eux, par ailleurs, que les potentats arabes, afin de prévenir toute contestation contre leurs diktats ou, plus généralement, pour anticiper tout changement qui échapperait au contrôle des uns et/ou des autres. El Gueddafi, qui entretenait des rapports ambigus avec les islamistes, a alors bon jeu de sortir de sa poche un Ben Laden, supposé manipuler les manifestants libyens alors qu´il est surtout l´agent infiltré américain qui fait parfaitement le travail d´agitateur pour le compte de la CIA, permettant aux Etats-Unis de reprendre pied au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est. C´est bien l´Amérique qui a armé, formé et entraîné les islamistes qui ont chassé les troupes soviétiques d´Afghanistan en 1989. Washington était même prêt à reconnaître, en 2001, un gouvernement taliban, n´était le dramatique attentat contre les Tours jumelles de New York. Attentats d´ailleurs toujours non élucidés, alors que la sophistication de l´attaque dépassait de très loin les capacités techniques et scientifiques d´Al Qaîda à laquelle a été généreusement attribué cet exploit de la guerre technologique. Mais c´est sans doute là un autre problème. «Où sont les islamistes?» Voilà un faux débat, quand il s´agissait, en l´occurrence, de faire ressortir la capacité des peuples arabes à prendre en charge leur destin, comme de renverser des pouvoirs autocratiques jugés immuables. Or, les Arabes comme tous les autres peuples, ont eux aussi soif de liberté, de démocratie et de respect.