Depuis des mois, L'Expression s'est placé à l'avant-garde de la guerre menée à la mafia politico-financière. Celle des containers en avait pris pour son compte. Toutes les affaires scabreuses, qui avaient fait du port d'Alger un espace de non-droit, avaient été dénoncées à longueur de colonnes. Mais voilà, aujourd'hui, déterminée à se reconstituer, elle a choisi d'aller prospérer loin des feux de la rampe. Elle a mis le cap sur Oran, pour planter son décor, tisser sa toile et reprendre ses affaires comme si de rien n'était. Mais voilà qu'une simple décision de mutation d'un agent du port d'Oran vers celui d'Arzew est venue donner un coup de pied dans la fourmilière. Ce qui était tu a éclaté au grand jour. L'enquête menée par la Gendarmerie a levé un pan du voile et comme dans la théorie des dominos, il suffit d'un minimum de détermination pour voir tout l'édifice maffieux tomber. Les containers, quand ils étaient contrôlés, passaient sous l'oeil complaisant des complices chargés de minorer la valeur marchande des produits importés. Les premiers éléments de l'enquête ont fait ressortir, à titre d'exemple, des assiettes de paraboles payées l'équivalent de 130 DA. Allez trouver un fournisseur en Europe capable de les lâcher à ce prix. Cette marchandise, une fois sortie du port, était convoyée vers 2 points de stockage: Seddikia à Oran et H'wadna dans la wilaya de Relizane. Port d'Oran, la marchandise est transportée sur des semi-remorques qui quittent le port entre 16h et 18h avant de se diriger vers un parking non autorisé, situé en pleine zone d'habitations. Cet espace jouissait de protections qui permettaient à ses exploitants de ne jamais être dérangés malgré les différentes plaintes des habitants où est implanté ce parking. Toutes les autorités locales contactées pour fermer ce parking et évacuer ces semi-remorques qui venaient le soir pour repartir très tôt le matin ont échoué. C'est dire l'importance des protections qui ont permis à ce jour à la mafia d'exporter cet espace, propriété de l'Opgi sans être inquiétée. La marchandise une fois stockée, alimentait les marchés de l'Ouest et du Sud-Ouest. La marchandise stockée à H'wadna alimentait, quant à elle, les marchés du centre et de l'est du pays. On dit qu'une grande partie des produits électroménagers vendus dans les paradis que sont Moahamadia, Koléa ou Tazmalt a transité par ces réseaux. L'enquête déclenchée par la Gendarmerie a permis de découvrir au domicile d'un douanier des registres du commerce et plusieurs documents ayant servi à des opérations de détournement. Cet agent auquel certaines sources attribuent le grade d'inspecteur des visites, est un maillon important dans la filière mise en place par la mafia des containers. L'enquête débouchera sur plusieurs détenteurs de registres du commerce d'import. Ces derniers ont nié pour la plupart avoir effectué des opérations d'importation de quelque nature qu'elles soient. Les documents administratifs établis en leurs noms auraient été utilisés à leur insu pour importer et dédouaner des conteneurs déchargés au port d'Oran. La mafia des conteneurs avait mis au point un stratagème basé sur deux piliers; la corruption et des précautions pour permettre à la marchandise d'arriver à destination sans encombre. Pour chaque convoi, des véhicules éclaireurs se chargeront de veiller à la sécurité du parcours. Les points de barrages fixes des gendarmes et de la garde communale sur la route Oran-H'wadna étant connus, il ne restait aux éclaireurs et aux convoyeurs qu'à emprunter, sur certains tronçons des routes secondaires. Des sources parlent même de convois qui auraient franchi les barrages fixes sans être contrôlés. Profitant de la lassitude, de la somnolence ou de la fatigue des éléments du barrage, ils pouvaient passer sans coup férir, car il est difficile pour quelqu'un écrasé par la chaleur ou transi de froid, d'arrêter un semi-remorque et d'exiger au chauffeur d'ouvrir le container pour vérifier son contenu. L'enquête en est à ses premières conclusions et les gendarmes qui ont pris les choses en main sont décidés à remonter toute la filière et à aller le plus loin possible. Mais pour le moment, la fièvre a gagné la mafia des containers et ses relais tapis dans l'administration, les douanes et certains services de sécurité. Les villas qui ont poussé dans certains quartiers d'Oran, les affaires qui ont vu le jour par magie et l'argent qui transite via les circuits informels sont autant d'indices qui prouvent que la mafia sait comment rebondir en se séparant de fusibles qui sautent à la moindre tension. Une fois «grillés», ces derniers sont tenus de respecter la loi du silence pour ne pas compromettre la structure maffieuse. En contrepartie, ils auront toujours leur part du gâteau et leur progéniture sera à l'abri du besoin. C'est cela les atouts de la mafia qui a fait de nos ports la poule aux oeufs d'or. Mais en attendant, l'enquête actuelle peut mener très loin.