Aucun pays de l'Opep n'a, jusque-là, vécu le scénario qui se dessine pour l'Algérie. Il y avait foule hier, à la Maison du Peuple, siège de l'Ugta à Alger; les syndicalistes étaient venus nombreux soutenir le chargé des affaires économiques au sein de la Centrale, Lakhdar Badreddine, en croisade contre les privatisations mais surtout contre le projet de loi sur les hydrocarbures, défendu par le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil. Sur les murs de la grande salle de réunion où étaient conviés les représentants syndicaux de la Fédération de l'énergie et des mines, étaient accrochées des banderoles où était écrit en rouge: «Sonatrach et son groupe d'entreprises, outils de la souveraineté nationale» et «Vive le 24 février 1971». Néanmoins l'absence de la chaîne de télévision nationale Entv était remarquée lors de ce rendez-vous pourtant rehaussé par la présence du secrétaire général de l'Ugta Abdelmadjid Sidi Saïd, qu'une autre chaîne de télévision étrangère, en l'occurrence MBC, n'a pas manqué de solliciter. C'est dire l'ampleur du différend qui oppose les pouvoirs publics au partenaire social quant à la vision que l'on se fait de l'avenir de Sonatrach. Si Chakib Khelil rappelle à chaque fois qu'il «n'est pas question de privatiser Sonatrach aujourd'hui ou demain», la Centrale, elle, opte pour la devise: «Le minimum de confiance et le maximum de vigilance». Refusant ainsi de cautionner la loi que prône le ministre arguant que la cohésion du pays serait menacée par cette loi. Elle appelle même à un débat national aux contours de référendum et auquel participeront tous les Algériens afin de contrer ce projet de loi qui risque à terme de voir ces derniers acheter leur propre fuel au prix fort à l'étranger. Le syndicat revendique tous les puits de pétrole tout en réservant à Sonatrach le droit de développer un partenariat pour son propre développement. Il demande que soient révisées certaines clauses «dangereuses» contenues dans ledit projet que l'on jure ne «pas laisser passer», sous quelque forme que prendra la lutte. Selon les experts cités par le syndicat, aucun pays de l'Opep n'a, jusque-là, vécu le scénario qui se dessine pour l'Algérie. Car tous «partagent» leur production avec les firmes étrangères. Ainsi l'Ugta, hier acteur politique des nationalisations, crie aujourd'hui à l'atteinte de l'article 17 de la Constitution qui stipule que les richesses minières du pays sont la propriété exclusive de l'Etat et du peuple. Pire encore, «Sonatrach et l'ensemble de ses entreprises outils de la souveraineté nationale» seraienst menacés du fait d'appel d'offres internationaux «incorrects». Appels qui mettraient en concurrence déloyale nos entreprises avec des géants mondiaux dans la vaste jungle du marché des hydrocarbures. Ce qui pose, selon l'Ugta, un problème plus que sérieux puisque les Algériens deviendraient alors de simples «khemas» (sous-traitants) dans leurs propres champs pétroliers. Et c'est tout le secteur du parapétrolier qui risquerait d'en pâtir fatalement, pour peu que les relations politiques internationales prennent le dessus sur l'économique. Lors de la rencontre d'hier avec les pétroliers, l'homme de confiance de Sidi Saïd n'a cessé de marteler à l'assistance qu'il est désormais question de vaincre: «Nous devons gagner et le débat est indispensable pour que le peuple sache qui oeuvre pour l'intérêt national», une sentence vite applaudie par les nombreux syndicalistes présents. Ovation qui a plutôt donné un cachet de communion à ce meeting. «Ce n'est ni un feu de paille ni une menace, nous sommes engagés dans la voie qui va défendre la nation», conclut Badreddine. Le syndicat national Sonatrach, venu s'exprimer sur la privatisation des entreprises, a dit adhérer pleinement à la thèse de la Centrale. Idem pour les représentants des secteurs hors hydrocarbures qui jugent inconcevable de privatiser des entreprises rentables. «Nous nous opposons à une loi imposée par le FMI et la Banque mondiale. Non au bradage de Sonatrach et la mise à genoux du pays. On va nous pomper le gaz et le pétrole en un temps record. Nous rejetons en bloc cette loi et nous restons mobilisés, comme nous l'avons démontré en 2001.» Tel est le son de cloche de la Centrale syndicale. Il risque d'être assourdissant dans un proche avenir.