Ces incidents nous ramènent une vingtaine d'années en arrière. L'Université, de nouveau, bouge. Deux courants s'y affrontent à couteaux tirés. Ce n'est, hélas, pas une simple formule imagée. Le premier incident a eu lieu durant les tout premiers jours de ramadan. Des étudiants, proches de la mouvance islamiste, s'en étaient violemment pris à d'autres, accusés de «moeurs dissolues» et empêchés d'organiser un gala. Trois blessés ont été enregistrés alors que les dégâts matériels seraient considérables dans cette cité universitaire réputée pour ses affrontements entre islamistes et démocrates depuis des dizaines d'années. Les incidents, par la suite, ont eu tendance à se multiplier, se propageant telle une traînée de poudre à travers tout le territoire national. Même Alger n'a pas échappé au phénomène. Des affrontements, en effet, sont enregistrés dans divers campus et cités universitaires de la capitale. Outre les escarmouches isolées qui ne prêtent pas à fortes conséquences, de très graves échauffourées éclatent également, comme cela a été le cas jeudi au niveau de la cité Bouraoui de Belfort. Pas moins de sept étudiants ont été blessés lors de ces incidents. Les affrontements, tels qu'ils se présentent, rappellent étrangement ceux des années 80. Ils se déroulent à coups de barres de fer, de chaînes de vélo et d'armes blanches, principalement des haches et des couteaux. Si aucun mort n'est à déplorer, le risque est grand de voir la ligne rouge franchie bien plus tôt qu'on ne le pense. Dans les années 80, le jeune Kamel Amzal avait été poignardé à mort lors d'affrontements similaires pour le contrôle des universités et, partant, pour celui de l'élite algérienne, donc de la classe politique et des institutions tant élues que désignées. Cette réminiscence de vieux démons, que l'on pensait morts et enterrés, trouverait ses origines (visibles) dans les tentatives itératives d'empêcher la tenue de galas artistiques au niveau de la plupart des campus et cités universitaires du pays en ce mois de ramadan. Mais les raisons véritables sont sans doute à chercher ailleurs. Elles répondent peut-être au besoin qu'éprouve la mouvance islamiste de retrouver ses marques au sein de la société algérienne à la suite de ses cuisants échecs politiques. Ni la violence, ni l'entrisme, ni l'implication dans la gestion des affaires de la cité n'ont réussi à assurer à ce courant l'espoir d'arriver un jour au sommet du pouvoir. Bien au contraire, les attentats du 11 septembre aidant, ce courant n'a cessé de se replier durant ces deux dernières années, face à un retour en force du FLN et à une montée sans précédent de certains partis dont la constance dans les positions et les principes, tels que le FFS et le PT, aura fini par porter ses fruits. Les gens gardent aussi en mémoire de quelle manière le «mossala» de l'Université d'Alger était utilisé par les dirigeants les plus en vue de l'ex-FIS dans des prêches politiques et incendiaires contre le pouvoir, les laïcs et même les démocrates. Les islamistes, qui ont toujours su s'adapter à toutes les situations, mais aussi reculer pour mieux sauter, tentent peut-être de reprendre leur travail depuis le début en mettant le paquet, de nouveau, dans les universités. La grève nationale et illimitée de l'Ugel, une organisation connue pour être proche du courant islamiste, peut, elle aussi, rejoindre cette logique. Elle répond peut-être au besoin de ce mouvement de tester sa force sur le terrain et de voir quel chemin a été parcouru, quel terrain a été cédé et quelle voie reste-t-il encore à parcourir. L'affaire reste à suivre. De très près.