Au moment où les Nations unies tentent de trouver une solution au désarmement de l'Irak, les USA veulent passer à l'acte. Il devient de plus en plus patent que les Etats-Unis ne veulent pas d'autre alternative au désarmement de l'Irak que la guerre. Impatient d'en découdre, Washington n'a même pas fait mine de donner aux inspecteurs des Nations unies le temps de faire leur travail et, à tout le moins, attendre le premier accroc dans ce travail, ou des failles dans les affirmations irakiennes pour dire qu'il est temps de passer à autre chose. Or, depuis le retour des experts onusiens, dont le travail s'effectue dans d'excellentes conditions, les Etats-Unis n'ont manqué aucune occasion d'étaler leur scepticisme et de faire le forcing pour rallier les pays réticents à s'engager dans une guerre qui, il faut bien le souligner, n'est pas la leur, à l'instar de la Turquie, pays clé dans l'éventualité d'une guerre contre l'Irak. Ce qui a fait dire au président turc, Ahmet Necdet Sezer - dont la coopération sans restriction de son pays est essentielle au plan de guerre américain -, que «la Turquie estime qu'il faudra tenir compte des principes de légitimité internationale et de consensus international en cas d'opération militaire. Et naturellement la Turquie donnera la priorité à ses intérêts nationaux». Est-ce à dire que, décodée, cette déclaration du président turc laisse entendre qu'Ankara, - certes à son corps défendant -, serait, sans doute, contrainte de prendre part à une guerre où, à l'évidence, elle n'a rien à faire? C'est en tout état de cause ce à quoi travaillent les deux envoyés spéciaux du président Bush, le numéro deux du secrétariat à la Défense, Paul Wolfowitz, et le numéro trois du Département d'Etat, Marc Grossman, dont la mission dans la capitale turque est de convaincre le gouvernement et l'état-major de l'armée turque de la nécessité de frappes militaires contre l'Irak. De fait, la Turquie est un pays clé dont Washington ne saurait se passer. Selon la presse américaine, les Etats-Unis vont proposer des dédommagements financiers, sous forme d'aide évaluée, selon ces médias, entre 700 et 800 millions de dollars pluri-annuelle pouvant totaliser plusieurs milliards de dollars. Echaudés, les Turcs sont réticents et ne veulent pas renouveler l'expérience de la guerre du Golfe de 1991, à laquelle la Turquie avait pris part. Ainsi, le nouveau Premier ministre turc, Abdullah Gul, issu de la tendance islamiste ne cache pas ses préoccupations indiquant «Durant (...) la guerre du Golfe, nous avons souffert avec 40 milliards de dollars de pertes, et le vide politique en Irak du Nord a encouragé une vague d'activité terroriste (Kurdes en Turquie)» relevant: «En une seule nuit 500.000 réfugiés sont entrés en Turquie. Nous ne voulons pas voir la répétition d'une telle situation» remarquant, par ailleurs: «D'un autre côté, nous ne voulons pas voir d'armes de destruction massive dans un pays voisin», exhortant en conclusion l'Irak à «coopérer avec les inspecteurs de l'ONU». Si Washington s'active au plan diplomatique afin de rallier le plus grand nombre de pays à ses vues, sur le terrain, les soldats américains ont intensifié leurs préparatifs militaires, où un état-major de guerre s'installe peu à peu au Qatar, où des milliers de militaires de toutes armes sont à pied-d'oeuvre, alors que d'autres éléments de l'armée américaine ne cessent d'affluer dans la région où l'on estime qu'ils avoisinent déjà les 60.000 soldats dont le nombre pourrait atteindre vraisemblablement les 250.000 hommes. Dans ce contexte, l'USNavy a récemment installé au Qatar un centre de commandement high-tech disposant d'une brigade entière, confirmant que les intentions de Washington ne fléchissent pas. Selon, le commandant Bill Harrison, un des porte-parole de ce centre de commandement, «Il y aurait quelque 600 membres du Commandement central (lequel couvre l'ensemble du Moyen-Orient) et la plupart d'entre eux sont déjà sur place» indiquant «Nous sommes en train d'installer tout ce qui est nécessaire au fonctionnement d'un tel centre: communications, ordinateurs, et sections administratives». Les Américains ont quasiment fait du Qatar une portion de territoire américain où les autorités qataries ne semblent avoir prise ni sur les événements ni, a fortiori, droit de regard sur ce qui se passe dans les limites territoriales de leur pays. De fait, l'accord de Doha à une frappe militaire de l'Irak, à partir du Qatar s'il y a lieu, ne serait que de pure forme, les Qataris n'étant plus maîtres chez eux. L'Arabie saoudite tout aussi réticente, que la Turquie à une frappe militaire de l'Irak, se trouve dans le collimateur de Washington qui montre de plus en plus son impatience à voir Riyad adhérer, sans condition, à la croisade que les Etats-Unis veulent mener contre l'Irak. Riyad est ainsi attaqué sur son point faible, sa tiédeur à lutter contre le terrorisme, le Congrès menaçant même de réduire l'aide militaire américaine à l'Arabie. Sur ce plan rien de nouveau, c'est la fameuse politique américaine de la carotte et du bâton qui est ainsi mise en exergue et au goût du jour par les stratèges et autres pousse-à-la-guerre américains.