Ils sont mis sur la sellette par Bagdad qui les accuse d'espionnage. Sur place depuis le 27 novembre dernier, les inspecteurs en désarmement de l'ONU qui ont déjà visité treize sites suspects, dont un site présidentiel, observent un certain mutisme sur le travail qu'ils effectuent depuis plusieurs jours en Irak. Cependant, une sorte de polémique semble se développer entre les Irakiens et les experts onusiens, au moment où les Etats-Unis (qui continuent à faire pression sur la communauté internationale, la sommant d'accepter l'éventualité d'une frappe militaire de l'Irak), mettent la barre très haut par leur prétention à inciter les scientifiques irakiens à quitter le pays. Et ce sont les experts de l'ONU qui auraient été chargés de cette besogne. Ce qu'affirme le New York Times, d'hier, qui révélait que l'administration Bush faisait des pressions sur les inspecteurs de l'ONU. Selon le quotidien new-yorkais, «Les autorités américaines réclament des inspecteurs en désarmement de l'ONU qu'ils aident à faire sortir clandestinement, ou même à enlever, des scientifiques irakiens spécialisés en armement, qui se verraient proposer l'asile en échange d'informations». Ainsi le quotidien de New York rapporte-t-il les propos que lui ont tenus, sous le couvert de l'anonymat, des responsables américains et des fonctionnaires de l'ONU, selon lesquels «le Pentagone et la Maison-Blanche veulent que les inspecteurs s'activent à identifier les scientifiques et exigent qu'ils quittent l'Irak, peut-être même sans leur consentement». Le fait est d'autant plus grave, pour la crédibilité de l'ONU et de la mission des experts en Irak, qu'il est confirmé par les approches qu'a effectuées la conseillère du président Bush pour la sécurité nationale, Condoleezza Rice, auprès du chef de la Commission de contrôle, d'inspection et de vérification des Nations unies (Cocovinu), Hans Blix, lui demandant ainsi d'adhérer à cette optique de «kidnapping» des scientifiques irakiens. Ce qui donne quelque part du crédit aux accusations irakiennes d'espionnage envers les inspecteurs onusiens. Dans une déclaration à la presse, le vice-président irakien Taha Yassine Ramadan a accusé les inspecteurs d'être «des espions» à la solde de la CIA et du Mossad, services de renseignements américain et israélien. Selon M Ramadan, «Les inspecteurs ne sont pas venus pour s'assurer que l'Irak ne possède pas d'armes de destruction massive, mais ils sont venus pour fournir de meilleures conditions et des informations plus précises pour l'attaque à venir». Le rôle des experts de l'ONU est ainsi remis en cause surtout lorsque des diplomates reconnaissent, sous le couvert de l'anonymat, que les inspecteurs en désarmement reçoivent leurs instructions de services de renseignements étrangers. Commentant ces faits, l'un de ces diplomates a déclaré: «A moins d'un coup de chance, les inspecteurs ne peuvent pas trouver ce que les Irakiens ont caché, s'il reste quelque chose. Il faut qu'on leur donne des renseignements.» Ce que reconnaît le chef des inspecteurs en Irak, le Grec Dimitri Perricos, qui explique à la presse que «les services de renseignement nationaux ont bien plus d'information que nous» «La manière dont chacun d'eux va nous fournir des informations dépend de chaque Etat » assurant néanmoins: «Nous faisons notre travail de manière appropriée, nous faisons un bon travail.» Dans ces conditions, à quoi peuvent servir les documents (liste totale des sites abritant ou pouvant abriter des productions d'armes prohibées) que l'Irak doit remettre demain, conformément aux recommandations de la résolution 1441 du Conseil de sécurité de l'ONU? Les Irakiens ont-ils finalement raison sur le fait que les missions de l'ONU ne seraient que des façades propices à la frappe militaire de l'Irak? Cela d'autant plus que les Etats-Unis, malgré le peu d'enthousiasme quasi unanime manifesté par la communauté internationale à s'engager dans une guerre contre l'Irak, ne renoncent pas à une telle issue et font tout pour que celle-ci soit ou devienne inévitable. L'ONU qui, déjà, n'a pas su protéger le peuple palestinien des crimes que commet contre lui l'armée israélienne d'occupation, sera-t-elle, malgré elle, complice dans le génocide du peuple irakien, que préparent les Etats-Unis? Si l'ONU ne désarme pas l'Irak, conformément aux lois et aux droits internationaux et à la Charte des Nations unies, et se laisse déborder dans ses prérogatives par un pays, fussent-ils les Etats-Unis, pour détruire un autre pays membre de droit de cet organisme, il serait alors évident que l'organisation internationale signe par là son arrêt de mort.