On ne se souvient des handicapés que le 3 décembre de chaque année, «pourquoi les condamne-t-on?» crie M.Sabour. Il s'appelle Salim Sabour. Il est guide au musée national du Bardo. Cependant, outre sa passion pour la préhistoire, cet homme au coeur gros comme ça, s'emploie à aider son prochain, particulièrement cette frange de la société marginalisée, laissée-pour-compte, les non-voyants, dont il fait son cheval de bataille. Il sait que la tâche est dure, difficile, voire compliquée pour sensibiliser et rallier les autres à sa cause, pourtant, il le fait. Sans relâche et avec abnégation, quitte à prendre de son temps et payer de sa poche. Un travail de bénévolat en somme, mais il ne baisse pas les bras pour autant. Non, aucun membre de sa famille ne souffre de cécité. Il ne le fait ni pour gagner des médailles ou pour la célébrité ni pour dire «je suis le premier à faire ça». Il le fait parce que, dit-il: «c'est un travail humanitaire avant tout!» Pour Salim Sabour, il faut enlever de son vocabulaire le mot «insertion» des handicapés. Car «ce sont vos semblables. Ils sont comme nous et font partie de la société. Ils ont un déficit visuel, non intellectuel, pourquoi les condamne-t-on?» s'exclame ce généreux monsieur. Après les dizaines d'exemplaires de guides en braille du musée national, support pédagogique unique qu'il a publié en 2000 en le finançant de sa poche, ce dernier, poursuivant sur sa lancée, installe tout un parcours signalétique en braille, sur les grands axes du musée. Par la suite, il forme deux non-voyants aux rudiments du guide en leur inculquant les techniques de l'accompagnement; il finit, l'année dernière, par mettre en place, en compagnie de chercheurs scientifiques, un logiciel informatique en braille. Cette fois-ci, Salim Sabour connaîtra une nouvelle victoire dans son louable combat. L'éducation en braille n'est plus l'apanage de l'Etat seulement et de quelques dizaines d'écoles implantées dans le pays à l'image de celle d'El Achour qui, finalement, «ne prépare pas le non-voyant à affronter la vie, ne l'oriente pas vers une formation spécialisée», le secteur privé a désormais lui aussi un rôle à jouer dans ce sens. Un nouvel horizon s'ouvre pour le non-voyant puisqu'une école, l'Institut international de tourisme et de gestion sise à Garidi II, dirigée et gérée respectivement par M.Mekhloufi et M.Nacib, s'est engagée à prendre en charge et à encadrer différemment les non-voyants en adaptant ses cours selon une documentation et une logistique adéquate en y introduisant le braille. Les brochures et autres supports pédagogiques sont fournis par Salim Sabour. «La nouveauté, explique-t-il, c'est que le privé peut aussi améliorer la vie du non-voyant, ce dernier peut accéder à l'informatique, le matériel idoine existe, notamment l'internet». Deux bibliothèques sonores sont en outre mises à la disposition du non-voyant. L'une a été montée au Palais de la culture et l'autre à la BNA. «Il n'y a que le mot qui fait rêver. C'est vraiment lugubre, une sorte de cagibi. Cela ne suffit pas. J'aimerais avoir un espace plus vaste, plus enrichi», souligne M.Sabour. Les obstacles administratifs et les lenteurs bureaucratiques, il en connaît un bout. Qu'à cela ne tienne, notre homme fait fi de tous ces tracas pour tenter un tant soit peu de changer ou plutôt d'améliorer l'existence du non-voyant. «Celui-ci, affirme-t-il, ne demande qu'à être considéré comme les autres, qu'on le considère comme un être à part entière et selon ses compétences». Outre le Coran et les quelques livres scolaires, il n'existe aucune publication en braille, faut-il le préciser, d'où l'ingéniosité de Salim Sabour. Bien que non encore labélisé, son travail fait partie de projets qui entrent dans le cadre de l'Année de l'Algérie en France, département éducation, jeunesse et sports. Déployant des efforts considérables pour venir au bout de sa mission par altruisme, mais surtout pour servir et aider jour après jour les non-voyants, il est dommage et fort regrettable d'apprendre que son sérieux et son dévouement sont récompensés par...un blâme de la part de la directrice du musée du Bardo. Un acte injustifié qui n'est pas à l'honneur de l'intéressée...