Le président irakien a fait ses excuses, dans un message télévisé au peuple koweïtien. Une première dans les relations, à tout le moins tumultueuses, entre l'Irak et l'Emirat du Koweït, le message adressé par le président Saddam Hussein au peuple koweïtien. Dans sa déclaration, le président irakien fait acte de contrition en s'excusant officiellement de l'invasion de leur pays en 1990. Certes, il n'est jamais trop tard pour bien faire! Mais fallait-il attendre plus d'une décennie pour demander pardon et reconnaître, indirectement sans doute, les torts que cette invasion avait faits autant à l'Emirat que, singulièrement, à l'Irak lui-même, aujourd'hui mis au ban de l'humanité? Cependant, ces excuses au peuple koweïtien s'accompagnent d'accusations, sans concession, des dirigeants de l'Emirat, dont l'ingérence dans les affaires internes de l'Irak aurait justifié, selon Saddam Hussein, cette invasion. Autant dire que le contentieux entre les directions irakienne et koweïtienne demeure très lourd. Cette bonne volonté, venue sur le tard, montrée par le raïs irakien, a toutefois peu de chance de convaincre de la bonne foi, ou intention, de son auteur. De fait, Saddam Hussein, ayant plusieurs fois trompé l'opinion publique arabe et internationale, sa résipiscence à retardement a plutôt un goût de cendre, notamment par le préjudice causé à son propre peuple, sous embargo depuis plus de douze ans. En vaine de bonne volonté, le président irakien relève également «l'opportunité (offerte aux inspecteurs de l'ONU) pour démontrer sa bonne foi» en leur ouvrant toutes grandes les portes de ses sites soupçonnés d'abriter des armes de destruction massive. De fait le président Saddam, sans doute conscient de l'accueil qui ne manquerait pas d'être fait à ses ouvertures, souligne: «Ce n'est pas par faiblesse ou par tactique, pour atteindre des buts illégitimes, que nous faisons ces déclarations, mais pour mettre les choses au clair.» Dans cette optique, les Irakiens font remarquer qu'ils ont remis la déclaration sur leur armement prohibé - vingt-quatre heures avant la date du 8 décembre fixée par la résolution 1441 du Conseil de sécurité. De fait, depuis leur retour en Irak, le président Saddam Hussein a multiplié les gestes de conciliation envers les experts en désarmement de l'ONU. Personne, cependant, ne semble vraiment croire aux déclarations de Saddam Hussein, à l'instar de la presse koweïtienne et de certains dirigeants du Golfe qui ont accueilli froidement le message aux Koweïtiens. Alors que les journaux de l'Emirat tournent quelque peu au grotesque la déclaration du président irakien, le secrétaire général du CCG (Comité de coopération du Golfe qui regroupe les six monarchies de la région) estime totalement «décevante» la déclaration de Saddam Hussein aux Koweïtiens. Pour l'administrateur du CCG, Abderah-mane Al Attya, «ce discours n'exprime pas de bonnes intentions, n'est pas un signe d'apaisement et il n'est pas dans l'esprit des décisions du Sommet arabe de Beyrouth sur le respect par l'Irak de la souveraineté du Koweït», indiquant: «Ce qui nous intéresse, ce ne sont pas des paroles, mais des actes comme la libération de détenus et la restitution de biens koweïtiens.» Il est vrai qu'il est plutôt difficile, pour quelqu'un qui a fait du louvoiement et de la manoeuvre politique une seconde nature, de convaincre sur le bien-fondé de ses bonnes intentions et a fortiori sur ses excuses. Au vu des réactions des intéressés et de certains pays du Golfe, le président Saddam Hussein a plutôt raté le coche, frappant à côté. A juste raison, un journal koweïtien a fait remarquer que c'est seulement «une fois le dos au mur» que le président Saddam Hussein s'est vu contraint, ou a cru devoir, (de) s'excuser auprès d'un peuple auquel il aura fait beaucoup de mal. La déclaration de Saddam Hussein au peuple koweïtien aura donc sonné faux, quel son donnera celle faite au Conseil de sécurité, (sur ses armes prohibées), et en fait la seule réellement importante, car mettant en stand-by une guerre que la communauté internationale redoute?